L'effet thermique des aliments : pourquoi cette perte d’appétit par temps chaud ?

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Avez-vous déjà remarqué que vous avez moins d'appétit en été ? C’est un phénomène physiologique bien connu lié à la thermogenèse. Le Dr Eric De Maerteleire nous parle de la thermorégulation et nous explique pourquoi déguster une glace en pleine canicule n’est peut-être pas une très bonne idée.

Thermorégulation et appétit

À l'origine de la diminution de l'appétit par temps chaud se trouve le concept scientifique de thermorégulation. La thermorégulation désigne la capacité des humains à maintenir leur température corporelle même lorsque la température extérieure fluctue. La nourriture fournit à l'organisme des calories, qui peuvent être brûlées pour se réchauffer et maintenir la thermorégulation. Plus la température extérieure est froide, plus nous avons faim et plus nous mangeons. C’est l’inverse par temps chaud. Nous avons alors besoin de moins de nourriture pour produire de la chaleur et maintenir notre température interne que pendant les mois plus froids. Par conséquent, notre appétit diminue. Ce mécanisme est contrôlé, non pas par l'estomac, mais par le cerveau. 

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Comment cela fonctionne-t-il au juste ? Qu’est-ce qui régule notre appétit ?

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© Getty Images / hypothalamus

Normalement, notre appétit est régulé par l'hypothalamus, qui est le siège de l'appétit dans notre cerveau. L'hypothalamus régule des processus tels que la satiété, en évaluant si nous avons suffisamment mangé, et travaille en collaboration avec l'« hormone de la faim », la ghréline (produite par l'estomac, mais d'autres parties de notre corps, telles que le cerveau, l'intestin grêle et le pancréas, libèrent également de petites quantités de ghréline) et une série d'autres hormones, telles que la célèbre leptine. L'hypothalamus régule également la température de notre corps et est donc parfois appelé « le thermostat de notre corps ». L'hypothalamus contient des capteurs de température, qui reçoivent des informations par l'intermédiaire de cellules nerveuses appelées thermorécepteurs. Le corps possède des thermorécepteurs périphériques et centraux. Les thermorécepteurs périphériques sont situés dans la peau et détectent les températures de surface, tandis que les thermorécepteurs centraux sont situés dans les intestins, la moelle épinière et l'hypothalamus et détectent les températures centrales.

En été, nous transpirons, pour nous refroidir. L’hypothalamus accorde donc moins d’attention à la faim. Le maintien d’une température corporelle constante est prioritaire pour notre survie, bien plus que la nourriture. Or, la digestion génère des quantités considérables de chaleur, ce qu’on appelle l’effet thermique de l’alimentation (TEF), précisément ce qu’il faut éviter sous la canicule. L’hypothalamus supprime donc l’appétit, afin d’alléger la charge de travail de notre corps. Notre métabolisme est moins actif et c’est pour cette raison que nous n’avons pas faim en été. En outre, la soif se fait sentir, puisque nous devons compenser les pertes engendrées par la transpiration et nous refroidir. La thermorégulation nous incite à consommer des aliments plus légers, comme des fruits et des légumes, qui produisent moins de chaleur que des aliments plus riches en énergie. Les fruits et légumes ont également une teneur en eau élevée et un goût rafraîchissant.

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Une série de facteurs sociaux et physiques peuvent également exercer une influence sur notre appétit en été.

  1. Tout d’abord, nous consacrons sans doute plus de temps à nos amis, au sport ou au jardinage en été. Notre schéma alimentaire est moins structuré. Nous consommons peut-être moins de repas et de snacks. Nous sautons plus facilement un repas si nous sommes installés à une terrasse en compagnie d’amis.
  2. Faire du sport ou des travaux lourds sous la chaleur peut diminuer l’appétit, bien que ce ne soit pas toujours une pratique naturelle ni saine. Les médecins ont d’ailleurs tendance à la déconseiller. Si vous constatez une réduction drastique de votre appétit et que vous êtes fatigué après une séance de sport ou une journée de travail sous la chaleur, vous êtes peut-être déshydraté et vous risquez un coup de chaleur ou d’AVC. 

Vous devez vous assurer d’ingérer suffisamment de calories et d’eau. S’il vous est difficile de manger en été, essayez de prendre plusieurs repas plus légers en courant de journée et ajoutez-y des aliments qui hydratent, comme les concombres, les pastèques, les baies, les courgettes, l’ananas, les tomates, le gazpacho et les smoothies. L’hydratation est essentielle pendant une canicule.

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Qu'est-ce que l'effet thermique de l’alimentation (TEF) ?

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© Getty Images

La digestion constitue un effort pour notre corps. Il utilise une partie des calories ingérées pour digérer le repas. Il ne les transforme pas en glycogène ni en lipides. Notre métabolisme s’accélère quand nous mangeons. C’est un peu comme un moteur qui tourne : plus il consomme de carburant, plus il chauffe. Notre corps produit de la chaleur et notre température corporelle monte. Cela peut être positif (voir plus loin) mais ce n’est pas souhaitable en été. 

La quantité de chaleur libérée lors de la digestion est connue sous le nom de « effet thermique des aliments » (TEF, pour le terme anglais Thermic Effect of Food). Après le repas, notre consommation d’énergie augmente durant un certain temps, car notre corps décompose les aliments en nutriments que nous pouvons stocker ou réutiliser. Cet effet thermique des aliments (ETF) représente généralement environ 10 % de notre dépense énergétique totale. Des recherches montrent que les aliments riches en protéines augmentent le métabolisme de 15 à 30 %, contre 5 à 10 % pour les glucides et 0 à 3 % pour les lipides. Les aliments riches en protéines ont donc l'effet thermique le plus important. Les aliments comme la viande, le poisson, les œufs, les haricots, le tofu, etc., sont ceux qui vous réchauffent le plus au début de la digestion. 

D’autres éléments augmentent le TEF. Des études suggèrent que des repas copieux l’accroissent, contrairement à des repas légers plus fréquents. L’âge et l’activité physique pourraient également jouer un rôle. Le TEF exact varie d'une personne à l'autre et dépend de la composition en macronutriments du repas et d'autres caractéristiques. Autre effet intéressant : des scientifiques japonais ont découvert que la mastication et un temps de séjour plus long des aliments dans la bouche augmentent la thermogenèse. Si vous devez surveiller votre poids, il est important de manger lentement, consciemment et de bien mastiquer.

En été, il est donc plus intéressant de consommer moins d’aliments à forte teneur en protéines et plus de glucides et de graisses, pour minimiser l’effet thermique des aliments, mais il faut de toute façon manger moins que par temps froid.

D’autre part, le TEF a un effet positif, en dehors des mois estivaux : il nous aide à contrôler notre poids. Pour trois bonnes raisons : 

  1. La digestion des protéines brûle plus de calories. Notre métabolisme s’accélère et nous brûlons donc plus de (réserve de) graisses. C’est le principe des diètes « high-protein » si populaires. 
  2. Les protéines sont indispensables à la formation des muscles. Plus nous avons de muscles, plus nous avons de mitochondries (les centrales énergétiques de nos cellules) et plus nous brûlons facilement les graisses. L’entretien de cette masse musculaire requiert également plus d’énergie. Tous les sportifs vous le confirmeront ! 
  3. Les protéines rassasient, ce qui signifie qu’elles vous donnent un sentiment durable de satiété. Cela peut vous aider à maîtriser votre appétit. Avez-vous déjà remarqué que si vous consommez des œufs le matin, vous avez moins faim à midi ? Une étude révèle que les personnes qui peuvent manger autant qu’elles le veulent observent en fait un régime composé à 30% de protéines et consomment 441 calories de moins que celles qui n’ingèrent que 10% de protéines pour le même contenu calorique. Les auteurs ont conclu que pour maigrir, conserver son poids ou se muscler, il fallait consommer suffisamment de protéines à chaque repas. 

L’effet TEF est un volet important de la thermorégulation et une des raisons pour lesquelles vous préférez des aliments plus légers en été, comme une salade, des fruits et légumes, qui génèrent moins de chaleur corporelle. 


Nous sommes nombreux à déguster une glace par temps chaud. C’est délicieux et rafraîchissant mais ce n’est peut-être pas la meilleure option en pleine canicule. Manger une glace ou boire une boisson très froide procure un soulagement immédiat mais si ces produits contiennent des calories, nous allons les digérer, ce qui relance l’effet thermique. In fine, nous augmentons notre température corporelle…

Existe-t-il des aliments à calories négatives ?

Les aliments à calories négatives sont un mythe très répandu, qui ont semé la confusion à propos du TEF. On croit parfois que la consommation de légumes contenant beaucoup d’eau et de fibres, comme le céleri, la salade et les concombres, fait brûler plus de calories qu’ils n’en contiennent. En manger permettrait donc de perdre des calories. Certains sites internet douteux en parlent souvent. Il existe une bonne explication psychologique à ce raisonnement. Des études montrent que les gens sous-estiment la valeur énergétique d'un aliment s'il a une connotation « sain » – un phénomène qu'Alexander Chernev a appelé « l'illusion des calories négatives ». Mais soyons clairs : il n'existe pas d'aliments à calories négatives. Même si vous vous bourrez de céleri, vous ingérerez plus de calories que vous n’en brûlez pour les digérer.  

Voir aussi l'article : Aliments à calories négatives pour maigrir, c’est possible ?

Sources :
https://www.ncbi.nlm.nih.gov
https://www.ncbi.nlm.nih.gov
https://my.clevelandclinic.org
https://my.clevelandclinic.org
https://www.verywellhealth.com
Manuel Calcagno, Hana Kahleova, Jihad Alwarith, Nora N Burgess, Rosendo A Flores, Melissa L Busta, Neal D Barnard (2019). The Thermic Effect of Food: A Review. J Am Coll Nutr.; Aug;38(6):547-551.
Du S, Rajjo T, Santosa S, Jensen MD. The thermic effect of food is reduced in older adults. Horm Metab Res. 2014;46(5):365-9.
https://www.waseda.jp
https://www.whatishealth.net
https://myscp.onlinelibrary.wiley.com
Wilson C. Academy of Nutrition and Dietetics. "Negative-calorie foods" still count.
https://consensus.app

Source: Dr.ir. Eric De Maerteleire

Dernière mise à jour: juin 2025

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