Quel est l’effet surprenant des larmes d'une femme sur l'homme ?
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Tout le monde pleure de temps en temps : par tristesse, frustration, soulagement ou parfois pour susciter l’empathie ou obtenir du réconfort. Mais les larmes transmettent bien plus que de simples émotions. De nouvelles recherches montrent que les larmes des femmes ont un effet biologique surprenant sur le comportement des hommes : elles les rendent moins agressifs.
Les larmes comme pacificateur chimique
Les hommes sont souvent mal à l’aise face à une femme qui pleure, sans vraiment savoir pourquoi. Des chercheurs ont découvert qu’il pourrait y avoir une raison biologique à cela : les larmes elles-mêmes jouent un rôle dans la communication et l’interaction entre hommes et femmes. Elles contiennent des signaux chimiques inodores qui, comme une sorte de « pacificateur », réduisent l’agressivité chez les hommes.
Cette découverte, publiée dans PLOS Biology, a été confirmée par des études comportementales, des scanners cérébraux et des analyses de biologie moléculaire. Selon les chercheurs, il s'agit d'un mécanisme fondamental que nous partageons avec de nombreux autres mammifères.
Les larmes chez les animaux : plus qu'une émotion
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Pendant longtemps, on a cru que la production de larmes était propre à l’être humain, mais c’est faux.
- Les chiens pleurent quand ils retrouvent leur maître après une période de séparation.
- Les bébés souris pleurent afin d’inciter les femelles à rejeter les mâles.
- Les larmes des souris femelles contiennent des phéromones qui encouragent les mâles à cesser de se battre pour s’accoupler.
Comme de nombreux autres mammifères, les humains communiquent aussi à travers des signaux chimiques, notamment les odeurs corporelles. Pourtant, il peut sembler surprenant que les larmes – inodores pour l’être humain – puissent influencer le comportement. D’autant plus que l’organe voméronasal, qui permet à beaucoup d’animaux de détecter les phéromones, serait chez nous beaucoup moins fonctionnel.
La première preuve : moins de testostérone et d’excitation
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En 2011, Sobel et ses collègues ont montré pour la première fois dans la revue Science que les larmes féminines faisaient baisser le taux de testostérone et l’excitation sexuelle chez les hommes. Ces résultats ont soulevé de nouvelles questions. Les recherches complémentaires ont mis des années à suivre, notamment à cause de la difficulté à recueillir suffisamment de larmes : il faut environ un millilitre par participante, ce qui est beaucoup. Les larmes réflexes (comme celles provoquées par les oignons) ne conviennent pas, car leur composition diffère des larmes produites par des émotions.
Comment s’est déroulée la nouvelle étude ?
Les chercheurs ont recruté des volontaires qui pleuraient facilement. Sur les cent femmes inscrites, seules six ont pu produire une quantité suffisante de larmes. Peu d’hommes se sont portés volontaires, et aucun n’a produit assez de larmes. Les participants ont utilisé de la musique, des lettres ou des films tristes pour se mettre à pleurer.
En plus des larmes, les chercheurs ont également recueilli une solution saline versée sur le visage des femmes à titre de contrôle.
Le jeu de l’agressivité
25 volontaires masculins ont participé à un jeu compétitif souvent utilisé pour mesurer l’agressivité en laboratoire. Ils pensaient affronter une autre personne, mais leur « adversaire » était en réalité un ordinateur. Ce dernier volait parfois de l’argent, après quoi les participants pouvaient choisir entre se venger (sans gain financier) ou laisser passer l’incident et gagner plus d’argent.
Le degré d’agressivité était calculé à partir du nombre d’actions de revanche divisées par le nombre de provocations.
L’expérience a été reproduite avec 26 autres hommes qui se sont prêtés au jeu sous contrôle IRM, afin de mesurer leur activité cérébrale. Tous les participants ont joué deux fois : une fois après avoir respiré des larmes et une fois après avoir inhalé une solution saline.
Les résultats : une baisse de 44% de l’agressivité
Les hommes étaient près de 44 % moins agressifs après avoir respiré les larmes des femmes en comparaison avec l’inhalation de la solution saline. Le scanner a relevé une diminution de l’activité du cortex préfrontal et l’insula antérieure gauche – des zones impliquées dans la prise de décision et le contrôle de l’agressivité. En parallèle, la connectivité augmentait entre l’insula antérieure et l’amygdale, région cérébrale liée aux émotions et au réseau olfactif.
Les analyses moléculaires ont montré que 4 des 62 récepteurs olfactifs humains réagissaient aux larmes mais pas à la solution saline. Les larmes féminines contiennent donc des phéromones, présentes à des concentrations extrêmement faibles mais perceptibles par les hommes, qui inhibent l’agressivité et favorisent l’empathie. On ignore encore la nature exacte de ces substances.
Pistes pour des études futures
L’équipe de chercheurs veut maintenant étudier l’effet des larmes féminines sur les autres femmes et l’effet des larmes des bébés sur les adultes. Les pleurs des bébés, en particulier, pourraient avoir un puissant effet anti-agressivité chez les adultes, un avantage évolutif, car ils ne peuvent pas communiquer verbalement. Une étude complémentaire permettrait également de vérifier si les larmes masculines ont un effet similaire sur les femmes.
La conclusion des chercheurs : l’aptitude à produire des larmes émotionnelles est utile tout au long de notre vie. La puissance des larmes des femmes ne relève donc pas du mythe mais d’un phénomène biologiquement prouvé.
Sources :
Shani Agron, Claire A de March, Reut Weissgross, Eva Mishor, Lior Gorodisky, Tali Weiss, Edna Furman-Haran, Hiroaki Matsunami, Noam Sobel (2023). A chemical signal in human female tears lowers aggression in males. PLoS Biol.; Dec 21;21(12): e3002442.
https://www.cell.com
https://www.nature.com
Shani Gelstein, Yaara Yeshurun, Liron Rozenkrantz, Sagit Shushan, Idan Frumin, Yehudah Roth, Noam Sobel (2011). Human tears contain a chemosignal. Science. Jan 14;331(6014):226-30.















