Sommeil : dormir trois heures par nuit... et c'est suffisant !

dossier Dormir trois ou quatre heures par nuit et se porter à merveille : rares sont ceux qui peuvent y prétendre. Seule une frange extrêmement réduite de la population bénéficie de la faculté de pouvoir vivre tout à fait normalement malgré une durée de sommeil très courte. Et quand on dit «court», cela signifie – déjà – moins de sept heures.

En fait, un peu plus de la moitié d’entre nous dort en moyenne, chaque nuit, entre sept et neuf heures, pour à peine 10% en dessous de six heures. Sachant que ces données portent uniquement sur la durée du sommeil et n’expriment donc pas sa qualité. En d’autres termes, elles intègrent aussi, et pour une large part, les sujets dont le sommeil est à la fois insuffisant et insatisfaisant (difficultés à s’endormir, réveils fréquents, somnolence diurne…).

Des exemples célèbres


Comment expliquer cette capacité à dormir peu ? Les exemples illustres ne manquent pas : Napoléon, Winston Churchill, Margaret Thatcher, Jacques Chirac, Albert Einstein (qui disait : je ne dors pas beaucoup, mais je dors vite !), Marguerite Duras, Charles Baudelaire, Madonna, Maria Carey, Prince, Cher ou encore Barbara. Encore que pour chacun d’entre eux, il n’est pas simple d’établir une distinction tranchée entre besoin de peu de sommeil et insomnie.

Pour mieux comprendre ces processus, entretien avec le Dr Marie Bruyneel, pneumologue, responsable du Laboratoire du sommeil du CHU Saint-Pierre (Bruxelles).

A-t-on défini un nombre minimum d’heures de sommeil en dessous duquel l’organisme humain ne peut plus « fonctionner » normalement ?

Il serait particulièrement difficile d’établir un seuil, étant donné que les besoins diffèrent en fonction de chaque individu. On peut toutefois se référer à certaines expériences, qui démontrent qu’une lourde privation de sommeil induit des conséquences particulièrement néfastes. Il en va ainsi de ce volontaire, un jeune homme de 17 ans, qui n’avait dormi que treize heures en onze jours, et qui a notamment développé de sérieux troubles du comportement, avec des tendances paranoïaques. La détérioration physique est évidente, elle aussi.

Une relation a été établie entre la durée du sommeil et le taux de mortalité. Quel est le lien de cause à effet ?

Des études statistiques ont observé que la mortalité est proportionnellement moins élevée parmi ceux qui dorment entre sept et huit heures par nuit. Cela ne signifie pas que dormir moins ou davantage constitue forcément, en soi, un facteur de risque. En fait, la durée du sommeil peut être influencée par un éventail de pathologies, comme l’obésité, la dépression, des troubles respiratoires, les affections physiques…

Néanmoins, et je pense en particulier ici aux travailleurs à horaires décalés, un sommeil pauvre ou perturbé, sur un plan quantitatif et qualitatif, induit des conséquences néfastes pour la santé, principalement un risque accru de maladies cardiovasculaires.

Concernant les « petits dormeurs », et qui ne s’en plaignent pas, d’où leur vient cette faculté ?

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Les besoins de sommeil, sa structure et ses schémas sont a priori sous contrôle génétique, vu qu’il a été démontré des similitudes majeures d’organisation du sommeil chez les vrais jumeaux. Ceci étant, les gènes impliqués ne sont pas encore connus. Ajoutons à cela que la durée du sommeil est également influencée par notre rythme circadien – notre horloge interne – ainsi que par des facteurs volontaires, qui déterminent, par exemple, l’heure du coucher et du réveil.

Les phases du sommeil sont-elles en quelque sorte comprimées quand on dort « naturellement » peu ou un autre mécanisme intervient-il ?

Les phases cruciales – sommeil lent et paradoxal – sont identiques par rapport à une durée de sommeil, disons, normale. La récupération physique et nerveuse est donc assurée. Ce qui change, c’est que le sommeil « léger », aux fonctions moins importantes, mais qui représente environ 50% du temps de sommeil global, est raccourci.

A-t-on constaté des différences, dans ce domaine, entre hommes et femmes ?

Non, pas vraiment, hormis des circonstances spécifiques comme la grossesse, lorsque le besoin de sommeil augmente. Ou comme je l’ai indiqué précédemment, et cela concerne les deux sexes, en cas d’emploi à horaires décalés. Il faut savoir que 20% des travailleurs se trouvent dans cette situation et qu’ils dorment en moyenne une heure de moins que les autres et ceci, sans parler de la qualité du sommeil.

Les facteurs ethniques ou géographiques jouent-ils un rôle ?

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Une différence peut survenir dans l’organisation des schémas de sommeil. Je m’explique. Si l’on observe les habitudes dans les pays chauds, la sieste est une pratique largement répandue, en raison précisément de la nécessité de composer avec les températures caniculaires. Le sommeil est dès lors en quelque sorte réparti sur vingt-quatre heures et non pas concentré sur la nuit comme chez nous. Un repos d’une ou deux heures durant l’après-midi raccourcira d’autant le sommeil nocturne, tout en permettant de récupérer le lendemain dans la journée, et ainsi de suite.

L’âge intervient de manière décisive. Pourquoi dort-on moins au fur et à mesure que s’écoulent les ans ?

L’évolution est très nette. Un bébé a besoin d’un nombre considérable d’heures de sommeil, un adolescent d’une petite dizaine par nuit, un adulte de sept à huit, alors qu’une personne de 80 ans dort en moyenne un peu moins de six heures. Pourquoi ? Plusieurs éléments entrent en ligne de compte.

Il s’agit d’abord de considérer une série de modifications physiologiques, comme la baisse de la sécrétion de mélatonine, communément appelée l’hormone du sommeil. On peut également citer une activité moins intense durant la journée, ce qui réduit la fatigue. Des problèmes somatiques, comme les douleurs articulaires, peuvent aussi exercer une influence. En tout état de cause, cette réduction de la durée du sommeil s’accompagne aussi d’une diminution de sa qualité, avec fréquemment des difficultés d’endormissement et des réveils impromptus, ce qui est forcément mal vécu.

Vous évoquiez les enfants. Dorment-ils tous comme des bébés ?

Non, certainement pas. Chaque stade de l’enfance est marqué par des troubles potentiels du sommeil. Les éveils nocturnes répétés et les difficultés à se rendormir sont bien connus chez les plus petits, pour qui il est fondamental d’assurer un environnement de sommeil familier. Les terreurs nocturnes et le somnambulisme surviennent plus avant. De fait, les nuits ne se font pas forcément toutes seules.

Les personnes qui dorment très peu vous consultent-elles, ne fût-ce que pour se rassurer ?

Pourquoi le feraient-elles si cela ne gêne pas leur existence ? Ce que l’on peut regretter, c’est qu’avant qu’un patient souffrant de troubles chroniques du sommeil, avec un réel impact sur sa vie quotidienne, s’adresse à un spécialiste, il s’écoule souvent une longue période après l’apparition des premiers troubles. Or, une prise en charge adaptée, qui ne se limite certainement pas à la prescription de médicaments, peut lui être proposée.

auteur : Juan Miralles - journaliste santé

Dernière mise à jour: janvier 2024

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