Témoignage | "On voyait enfin que j'étais enceinte": Elise raconte son devenir mère

dossier Elise est maman d'une petite fille de 13 mois. À travers le rapport au corps, elle nous raconte son devenir mère. Parce que la réalité est parfois tout sauf ce qu'on s'était imaginé, Elise a eu envie de raconter comment ces changements physiques l'ont éloignée d'une grossesse idéale et fantasmée, comme un passage obligé vers la maternité, la vraie, celle qu'on ne dit pas toujours. Voici l'histoire d'une mère. "J’ai toujours idéalisé la grossesse et la maternité. Lorsque nous avions décidé mon compagnon et moi de lancer le "projet bébé", je fantasmais sur l’idée d’avoir un joli ventre rond et de sentir mon bébé grandir et vivre à l’intérieur de moi. Je pense que ce fantasme était tel que la réalité n’a pas été à la hauteur de ce que j’attendais.

La grossesse

J’ai eu une belle grossesse. Sans complications, sans inquiétudes. Mais mon ventre ne grossissait pas comme je le voulais. Mon bébé restait fort bas et je tardais à voir les changements s’inscrire sur mon corps. Les premières semaines, la règle « des trois mois » m’a fait ressentir la grossesse comme un secret que je devais garder. Et dès que j’osais le partager, je me sentais honteuse, comme si j’avais trahi quelqu’un. Personne ne nous voit enceinte et on vit les premières semaines avec l’appréhension de la fausse couche. Cela ne se voit pas, et les seules choses qui rendent l’idée de la grossesse concrète ce sont les fameux symptômes (nausées, odorat sensible, fatigue intense). Je ne m’attendais pas à me sentir si fragile dès le départ… Le deuxième trimestre a été plus facile car l’énergie revenait. Mais je regardais mon ventre avec impatience. J’avais hâte de ressentir les premiers coups de mon bébé. Pendant ces semaines, il ne s’est pas passé grand-chose si ce n’est que ma tête se remplissait de projections et que le projet « nidification » avait commencé. Mais mon ventre tardait à sortir. Il grossissait doucement… car mon bébé restait toujours bien bas. Et les premiers complexes de la grossesse sont venus s’installer. Je ne me sentais pas « assez enceinte » par rapport à toutes les mamans que je côtoyais, dont l’accouchement se situait plus ou moins au même moment. Le troisième trimestre a été plus riche en découvertes. On voyait « enfin » que j’étais enceinte. Je ne devais plus « me justifier » au restaurant de vouloir une viande bien cuite ou de préciser que je ne voulais pas de crudités. À 30 semaines, j’ai commencé à apprécier les joies d’être enceinte. Le bébé restait bas… Et j’avais l’étrange sensation que j’accoucherais plus tôt. J’ai tenu un album pour garder le souvenir de l’évolution de mon ventre. Il était toujours petit, mais on le voyait. Mes seins n’avaient quant à eux pas tellement grossi, laissant trainer l’idée dans ma tête que je n’aurais pas assez de lait. Je n’ai jamais eu cette fameuse ligne « linea nigra » qui se marque sur les ventres des femmes enceintes, telle une jolie cicatrice, et mon nombril n’est jamais ressorti. Par contre, mes hanches se sont élargies. Je le sentais et je le voyais sur les photos. Mon bassin s’agrandissait pour se préparer à laisser sortir ce bébé.

L’accouchement et la maternité

Trois semaines avant la date prévue, j’ai perdu les eaux au boulot, en pleine réunion. Pétrifiée par ce que je ressentais, je n’ai pas bougé, ignorant le fait que le travail commençait. Il m’a fallu 30 minutes pour appeler mon mari et lui demander de venir me chercher pour aller à l’hôpital. Je voulais juste faire un petit monitoring pour m’assurer que bébé allait bien. Je ne réalisais pas que mes contractions étaient fortes et régulières et que le bébé n’allait pas tarder à venir. Le travail a été intense. Les contractions horriblement douloureuses. Elles étaient longues et s’enchainaient. Je n’avais pas de temps de récupération. J’ai demandé la péridurale qui a été salvatrice car j’ai pu profiter doucement des dernières heures de travail avec mon mari. La poussée a été rapide, sans trop de difficultés en somme. Accouchement de rêve, 15 minutes plus tard, ma fille était là.

Le post partum

Les jours qui ont suivi l’accouchement ont été extrêmement difficiles. Dès le lendemain, j’ai caressé mon ventre qui s’était aplati. J’ai pleuré à l’hôpital. Moi qui avais tellement attendu ce ventre. J’ai eu l’horrible sensation qu’on m’avait arraché la fin de ma grossesse. Mon ventre était comme une coquille vide toute molle… Plus de muscles, des organes éparpillés dans tous les sens et plus de bébé… ces sensations sont vraiment étranges. D’un coup on est projetée dans la maternité. Bouleversement intense et chargé en émotions et qui nous envoie à des années lumières de la féminité. Il faut des mois pour se réapproprier sa féminité, se sentir femme et plus seulement une maman nourricière. Les pertes de sang pendant des semaines, mon sexe déchiré, les points de suture, les douleurs au niveau du clitoris à cause d’une irritation à l’urètre causée par la péridurale, m’ont empêchée de me sentir bien avec ce nouveau corps. La montée de lait a été extrêmement douloureuse. Je faisais partie de ces femmes, contrairement à ce que j’imaginais, qui avait trop de lait. Ça débordait sans cesse. Dès que j’enlevais mon soutien-gorge le lait partait en jet. La nuit, je devais me changer car j’étais trempée. Je devais parfois interrompre mes discussions en journée pour aller vider mes seins dans l’évier. Bien sûr, à cela se sont ajoutées les crevasses aux deux seins qui tardaient à cicatriser. J’ai eu mal pendant 6 semaines consécutives lorsque j’allaitais. J’avais l’impression que des couteaux me transperçaient la peau à chaque fois que je la nourrissais. Je n’ai pas pu tirer mon lait au départ pour éviter l’engorgement. Et dès que je l’ai fait pour pouvoir « souffler un peu », j’ai eu une mastite au sein droit. Je n’ai vraiment pas apprécié mon allaitement. Ça m’a épuisée, angoissée et je n’arrivais pas à retrouver mon corps. J’étais vraiment perturbée. Les mois se sont enchainés et j’ai appris à apprivoiser ce nouveau corps. Je n’ai toujours pas perdu tous mes kilos de grossesse, mes seins sont devenus tout petits une fois que j’ai arrêté d’allaiter. Mais je suis moins pudique qu’avant bizarrement. Mais je n’arrive pas encore à aimer mon corps. Il a certes donné la vie à ma fille, qui est venu illuminer notre vie, mais je le trouve fatigué, épuisé et abîmé. J’essaie de faire un gros travail aujourd’hui pour me sentir à nouveau « femme », me réapproprier ma sexualité et me sentir désirable. Jamais je n’aurais cru avoir tant de mal à me retrouver. À mon plus grand bonheur, je suis devenue maman. Mais je cherche encore la femme que j’étais pour lui laisser à nouveau de la place."

auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: décembre 2020
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