Témoignage: 'Pour avoir ma fille, J'ai fait une FIV avec choix du sexe à Chypre'

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Témoignage: 'Pour avoir ma fille, J'ai fait une FIV avec choix du sexe à Chypre'

dossier Marie*, 34 ans et maman de deux garçons, a décidé de recourir à la fécondation in vitro avec choix du sexe pour réaliser enfin son rêve de donner naissance à une petite fille. Elle a décidé de témoigner pour lever le voile sur ce sujet tabou qui concerne pourtant de nombreux couples.

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© Getty Images

La FIV (fécondation in vitro) avec choix du sexe est interdite dans les pays de l'Union européenne pour des raisons bioéthiques. Elle est permise dans d'autres pays du globe comme en Chypre du Nord, en Jordanie, en Israël, aux USA, en Ukraine... Elle repose sur un diagnostic préimplantatoire (DPI) qui, dans nos contrées, ne peut servir en principe qu'aux parents risquant de transmettre une maladie génétique, selon le sexe de l'enfant. Cette pratique est donc strictement encadrée, et ne permet de recourir à la FIV dite sélective de convenance. Malgré tout, certaines familles font le choix de se rendre à l'étranger pour être certaines d'avoir enfin ce petit garçon ou cette petite fille tant attendu.e. C'est le cas de Marie, qui nous raconte ici son parcours.

"J’ai 34 ans, mon mari 43 ans et nous avons 2 fils de 10 et 3 ans. Nous avons choisi de réaliser une FIV avec choix du sexe pour avoir enfin notre fille, en nous rendant en Chypre du Nord. Là-bas, il est possible de réaliser une PMA (procréation médicalement assistée) avec des tests génétiques préalables qui garantissent la santé des embryons et permettent aussi de découvrir leur sexe en amont du transfert.

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Mère et fille

Je suis fille unique et j’ai une très belle relation avec ma mère. Nous sommes très proches et nous nous comprenons d’un regard, sans même avoir besoin de parler. Pour moi, le fait d’avoir une fille, c’était une évidence, une continuité de l’histoire. Un peu comme une poupée russe : ma grand-mère, ma mère moi et… naturellement, une petite fille allait venir nous rejoindre. 

Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu avoir une fille. La vie a fait que j'ai été entourée de femmes formidables : belles, courageuses, aimantes, solidaires, fiables... Et d'hommes qui ne correspondaient pas forcément à ces qualificatifs. Et puis en observant les personnes autour de moi, je voyais bien qu'à l'adolescence, les filles accompagnaient encore leurs mères lors des sorties, et qu'elles participaient aux conversations. Ensuite, elles grandissent et deviennent mamans à leur tour, il y a tellement de choses à partager entre une mère et sa fille... Tandis que les garçons qui deviennent adultes, on ne les voit plus, en tout cas près de leur mère.

Moi comme mon mari avons d'excellentes relations avec nos mamans. Mais malgré tout, ça n'est pas pareil. Je pars en week-end avec ma mère, on peut dormir dans la même chambre d'hôtel ou partager une douche sans gêne. On a les mêmes occupations et loisirs. Mon mari ne fait pas tout ça avec sa mère.

La grand-mère de mon mari qui n'a eu que des fils reçoit des visites en maison de retraite. Mais ses fils ne lui demandent que si elle a bien mangé ou si elle a eu son journal. Jamais si elle se sent bien, à quoi elle pense, si elle a une envie particulière... C'est bien triste pour elle et comparé à d'autres femmes qui ont aussi des filles, je trouve qu'il manque quand même quelque chose.

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Deux garçons et une FIV

Le jour où je suis tombée enceinte de mon premier bébé, il était évident que j'allais avoir une fille. Comme ma grand-mère a eu ma mère et ma mère m'a eue moi. Je connais et j'aime l'univers des filles, j'apprendrais volontiers à ma fille les jeux auxquels j'ai tant aimé jouer. Et plus tard, je lui apprendrais tous mes secrets et astuces de femme.

Lorsqu’on m’a annoncé que j’attendais un garçon, en plus de la déception, j'ai dû affronter des choses qui m'ont toujours effrayée. Et puis mon fils est né et bien sûr, il s’est fait aimer comme tous les enfants.

Sept ans plus tard, nous avons décidé d’avoir un deuxième enfant car ma fille me manquait toujours énormément. J'ai fait un régime alimentaire pour favoriser la venue d'une petite fille, en changeant le pH de mon corps et ainsi avantager les spermatozoïdes X. Sept mois de privations horribles, plus de vie sociale, le suivi de mes ovulations pour les éloigner des rapports et donner encore un petit avantage aux X... J’ai avalé toutes les questions indiscrètes, les blagues, voire les moqueries de mon entourage durant des mois « Tu ne sais pas faire des filles ? » , « Laisse tomber, ça va encore être un garçon », « Et si ta fille est un garçon manqué ? », « Attends, tu veux une fille ? Je vais te prêter la mienne, tu vas voir »… Mais qu’importe ces petites phrases, j'étais sur le chemin de mon bonheur. Soit dit en passant, j'ai remarqué que les réflexions les plus virulentes venaient souvent de ceux qui avaient eu le « choix du roi ». Facile à dire que le sexe n’a pas d’importance, quand on a soi-même un garçon et une fille ! 

Quand je suis tombée enceinte, j’ai découvert le sexe à 10 semaines de grossesse par une prise de sang qui permet de détecter l’ADN fœtal dans le sang de la mère et ainsi connaitre le sexe du bébé. L’échantillon est envoyé dans un laboratoire à l’étranger et quelques jours plus tard le résultat est annoncé. Mon deuxième garçon s'était installé.

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Nous n'avons jamais envisagé d'avoir plus de 2 enfants. Pour des raisons organisationnelles, financières, professionnelles… Mais ce n'était pas envisageable non plus d'abandonner mon rêve ainsi. Nous avons longuement discuté avec mon mari, et il a accepté qu’on essaie d’avoir un troisième enfant grâce à la FIV, en étant certains cette fois-ci que si je parvenais à tomber enceinte, nous aurions une fille. Sinon, nous souhaitions en rester à nos 2 garçons.

Nous sommes restés discrets sur notre démarche. Seul mon gynécologue, ma mère et quelques amies très proches ont été mis au courant et m’ont soutenue. Mon compagnon était réticent pour le coté éthique d'une part, mais aussi pour ma santé, pour le budget à prévoir et à l'idée d’avoir un enfant supplémentaire. Pour info, pour Chypre, le budget moyen à prévoir est de 11-12 mille euros (environ 6000 mille euros pour la FIV elle-même et autant pour la congélation des embryons, les médicaments, le voyage, les imprévus, etc.). Finalement, mon conjoint a réalisé combien c’était important pour moi et a accepté de me suivre par amour.

Je pensais que la FIV allait se dérouler facilement, durant une semaine de vacances au soleil et que je reviendrai avec ma fille dans le ventre. Mais en réalité, un parcours bien plus difficile m’attendait. Comme si la vie voulait me mettre à l’épreuve et que je lui prouve que cette petite fille, je la méritais vraiment. Il a fallu trouver un gynécologue qui accepte de me suivre avant le départ, afin de réaliser tous les examens de suivi et avoir les médicaments nécessaires, avant le séjour à Chypre. J’avais beaucoup d’appréhension d’être jugée, incomprise. Mais j’ai eu beaucoup de chance de tomber sur un médecin très humain et ouvert d’esprit qui a bien compris que je n’allais pas multiplier des grossesses à l’infini et qu’il s’agissait d’une dernière chance pour moi. Prétextant des vacances en amoureux, nous avons confié nos enfants aux grand-parents et nous sommes envolés pour l’ile de Chypre. Suite à la première stimulation ovarienne suivie d’une ponction, j’ai eu 4 embryons sains. 4 garçons. Retour à la case départ.

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Un parcours long, difficile et coûteux

Nous avons laissé un échantillon de sperme congelé à la clinique, de façon à ce que puisse revenir ultérieurement sans mon mari (pour des raisons logistiques et financières). 2 mois plus tard je suis retournée à Chypre pour une nouvelle tentative et j’ai de nouveau eu 4 garçons. Mais cette fois-ci, 2 filles également. Je devais revenir pour l’implantation d’un embryon 2 mois plus tard mais la crise sanitaire du Covid est arrivée et a balayé tous nos plans. Les frontières se sont fermées, nous étions en confinement. De long mois se sont écoulés avant que je ne puisse retourner à Chypre. J’ai subi une période d’isolement en quarantaine sur place, à l'hôtel, avant de pouvoir regagner la clinique. Je suis tombée enceinte mais j’ai fait une fausse couche quelques jours après. Par la suite, j’ai fait des protocoles de stimulation tous les mois, sans jamais que mon endomètre n'arrive à atteindre l’épaisseur nécessaire pour réussir un transfert. J’ai dû annuler mes congés et les billets d’avion à la dernière minute à chaque fois. 

À la 6e stimulation, les résultats étaient favorables et j’ai enfin pu repartir pour Chypre. Lors du transfert, j’ai vu sur l’écran de l’échographie un petit point blanc déposé dans mon utérus. La gynécologue m’a pris la main en me disant « she is here ». J’ai fermé les yeux et une larme a glissé le long de ma joue. C’était ma dernière chance, mon dernier embryon…

Je n’aime pas les comparaisons avec les couples infertiles. Notre démarche ne leur enlève ni ajoute rien. Chaque personne a ses combats à mener. Je n’ai fait de mal à personne en essayant de créer ma famille telle que je la rêvais. Et pour me rendre solidaire, j’ai fait un don d’ovocytes gratuit et anonyme pour des couples inscrits en liste d’attente à l’hôpital de ma ville (des années avant de subir moi-même une FIV). Je suis également agacée par les personnes qui cherchent, dans leur discours, à mettre dans le même panier ces FIV qui visent à transférer les embryons en bonne santé, pour lesquels on peut en plus connaître le sexe, avec les publicités un peu provocantes de certaines cliniques aux USA qui proposent des FIV en promettant de "choisir la couleur des yeux". Nous sommes là sur deux problématiques complètement différentes, et certains détracteurs de la FIV avec choix du sexe illustrent systématiquement leurs propos avec cette histoire de "couleur des yeux" dont nous, les parents qui cherchons à équilibrer nos fratries, nous moquons éperdument. Mais c’est une façon de détourner le sens de notre combat, de le rendre grotesque et caricatural en le rattachant à quelque chose de futile. Bien que les deux projets se réalisent par le biais d’une PMA, la similitude s’arrête là. Dans la communauté composée de plusieurs centaines de couples dont nous faisons partie, je n’ai jamais entendu personne se poser la question de la couleur des yeux. Seuls les gens qui ne comprennent pas le fond du sujet peuvent faire l'amalgame.

Beaucoup de femmes éprouvent une déception liée au sexe, surtout lorsqu'elles ont le même pour la 3e ou la 4e fois. N’est-ce pas légitime de rêver que la roue tourne? Sauf qu’elles sont peu nombreuses à oser avouer une préférence par peur d’être jugées ou qu’on pense qu’elles n’aiment pas leurs enfants. Pourtant, la déception n’a rien à voir avec l’enfant qu’on porte. Quand nous avons notre enfant dans les bras, on l’aime de tout notre cœur, peu importe son sexe. Aujourd’hui, j’ai une belle relation pleine de complicité avec mes fils. La tristesse qu’on éprouve à l'annonce d'un sexe concerne l’enfant qui ne vient pas et qui nous manque. 

Je suis consciente qu'un parcours de FIV est long, difficile, coûteux, que ça implique des traitements hormonaux et comporte un risque d’échec. Et que tout le monde n’est pas en capacité de se lancer dans cette aventure. Je sais aussi que certaines femmes décident d’interrompre une grossesse quand elles ont déjà plusieurs enfants de même sexe et qu'elles tentent "un dernier bébé" en espérant leur fille ou leur garçon, mais que ce dernier bébé n'est pas du sexe voulu. Je ne partage pas cette vision des choses. Personnellement, je ne me sentais pas en capacité de passer par une IVG, même si j’étais encore dans les délais lorsque je découvrais le sexe. Finalement, j’ai fait le choix de tomber enceinte d’un enfant en choisissant son sexe, plutôt que de m'en remettre une 3e fois au hasard, sachant que je ne ferais pas d’IVG et qu'il n’y aurait pas de 4e enfant, dans tous les cas. Et j’ai réussi : la naissance de ma fille est attendue dans quelques semaines, pour notre plus grande joie, ainsi que celle de ses frères qui l’attendent avec impatience. Ma fille connaitra son histoire et ce ne sera pas un tabou au sein de notre famille. Une fois qu’elle sera née, on expliquera également notre choix à nos familles respectives."

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*prénom d'emprunt.

auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: février 2024

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