Peut-on avoir mal au cerveau ?

123-p--hersen-psy-170-5.jpg

dossier Le cerveau n’a pas de nocicepteurs, les nerfs qui détectent les dommages subis par notre corps et qui signalent la situation à notre moelle épinière et à notre cerveau. En conséquence, la croyance que ce dernier ne ressent aucune douleur a pris forme, jusqu’à entrer dans la culture populaire.

Dans le film Hannibal de 2001, une scène particulièrement écœurante met en scène le tueur en série éponyme en train de découper le cerveau d’un agent du FBI parfaitement conscient, bien que drogué.

« Voyez-vous, le cerveau lui-même ne ressent aucune douleur », explique Hannibal Lecter à une Clarice Starling horrifiée.

Mais si le cerveau ne ressent aucune douleur, qu’est-ce qui cause les maux de tête ?

Bien que le cerveau n’ait pas de nocicepteurs, beaucoup d’autres structures à l’intérieur de notre tête en ont, notamment les vaisseaux sanguins, les muscles et les nerfs du cou, du visage et du cuir chevelu. Ce sont des problèmes rencontrés par ces structures qui causent les maux de tête.

La douleur ressentie lorsque l’on mange une glace semble être causée par des changements soudains du flux sanguin dans les veines qui se trouvent entre le fond de la gorge et le cerveau. La déshydratation, quant à elle, provoque des céphalées en irritant les vaisseaux sanguins de la tête. C’est une des raisons des maux de crâne palpitants des lendemains de fêtes un peu trop alcoolisées… Et n’importe quel dentiste vous dira que le mal de tête peut être l’indice que vous surmenez vos mâchoires, peut-être parce que vous grincez des dents pendant votre sommeil.

L’origine de la douleur ressentie durant une migraine n’est pas encore bien comprise, mais on pense qu’elle résulte de l’activation de nocicepteurs situés dans les méninges – les membranes qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière comme de la cellophane. La cause de cette activation n’est cependant pas encore claire.

Même si le cerveau n’a pas de nocicepteurs, un mal de tête peut quand même être le signe qu’il rencontre un problème. Les maux de tête prolongés qui ne répondent pas aux médicaments ou qui sont soudains et extraordinairement sévères peuvent être des signes d’une grave anomalie au cerveau, comme une tumeur, une hémorragie ou une infection. Les douleurs qu’engendrent ces problèmes ne sont pas générées par l’activation de nocicepteurs situés dans le cerveau lui-même (il n’y en a pas) ; elles résultent de la pression que le cerveau, en gonflant, exerce sur les autres structures de la tête.

Plus qu’une simple expérience sensorielle

Fondamentalement, Hannibal Lecter se trompait sur le fait que le cerveau ne ressent aucune douleur. Même s’il ne possède pas de nocicepteurs, il « sent » toute notre_ douleur. Le cerveau est en effet l’organe par lequel nous interprétons, évaluons et expérimentons tous les signaux sensoriels de notre corps.

Les scientifiques font la distinction entre la nociception – le signal nerveux correspondant aux dommages causés à notre corps – et la douleur, l’expérience émotionnelle et cognitive désagréable qui survient normalement lorsque nos nocicepteurs sont activés.

Cela signifie que la douleur est plus qu’une simple expérience sensorielle, elle est influencée par nos pensées, nos sentiments et nos relations sociales. Par exemple, la façon dont nous ressentons la douleur est affectée par ce que nous pensons : ce que nous croyons que la douleur peut signifier, ce dont nous nous souvenons des expériences douloureuses antérieures.

La douleur est aussi une expérience émotionnelle : les personnes dépressives rapportent expérimenter davantage de douleurs dans leur vie quotidienne. Et induire une baisse de moral chez des personnes par ailleurs « normales » augmente leur ressenti de la douleur et diminue leur tolérance vis-à-vis d’elle.

La douleur est aussi une expérience sociale. Au cours d’une expérimentation, il a été demandé des étudiants de maintenir leur main le plus longtemps possible dans une eau douloureusement froide. Ils se sont avérés capables de tolérer la douleur durant un temps plus long lorsqu’ils pensaient que l’expérimentateur était un de leurs professeurs (s’ils pensaient que l’expérimentateur était un autre étudiant, ils la toléraient moins longtemps). Ce résultat montre que lorsqu’on nous interroge sur notre douleur, l’identité de la personne qui pose la question est importante.

Les modifications qu’entraînent les influences sociales en termes de douleur soulignent également les bénéfices que l’on peut retirer du soutien de ceux qui nous aiment. Dans une autre étude employant la même méthode du seau à glace, les participants se sont avérés faire montre d’une plus grande tolérance à la douleur générée par le froid lorsqu’une autre personne observait l’expérience en silence (comparativement à la situation ou ils se retrouvaient seuls avec l’expérimentateur). Et si l’« observateur » était un ami du même sexe, la tolérance des participants augmentait, même si cet ami n’était pas présent dans la pièce (mais tout près).

La perception de la douleur est sous influences, et celles-ci sont nombreuses. Dès lors il n’est pas étonnant qu’il soit si complexe et frustrant de la soulager. La bonne nouvelle, c’est que chacune de ces influences représente également un moyen de gérer la douleur. Aider les gens à changer leur façon de penser, leurs sentiments vis-à-vis de leur douleur constitue un point important dans la gestion de la douleur, tout comme le maintien de leurs relations sociales.

The Conversation

Janet Bultitude, Lecturer in Cognitive and Experimental Psychology, University of Bath.

► Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.



Dernière mise à jour: septembre 2019

Vous voulez recevoir nos articles dans votre boîte e-mail ?

Inscrivez-vous ici à notre newsletter.

vous pourrez vous désinscrire quand vous le souhaiterez
Nous traitons vos données personnelles conformément à la politique de confidentialité de Roularta Media Group NV.
volgopfacebook

volgopinstagram