Pourquoi les enfants mentent-ils ?

dossier Les parents s’inquiètent souvent de voir leurs enfants raconter des mensonges.

Mais ces mensonges peuvent nous éclairer sur leur développement sociocognitif. Notre équipe du laboratoire du développement sociocognitif de l’université de Brock, en Ontario, s’est penchée sur le mensonge dans divers contextes en tant qu’élément révélateur du développement cognitif des enfants ainsi que de leur exploration de la vie en société.

L’évolution du mensonge

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Les psychologues du développement humain étudient le mensonge depuis des décennies. Ils ont décelé que les enfants commencent à raconter des mensonges vers l’âge de deux ans. Toutefois, ce n’est que vers leur quatrième année que la plupart des enfants vont commencer à mentir pour cacher leurs méfaits. La fréquence du mensonge se poursuit tout au long de l’enfance.

Et les mensonges ne s’arrêtent pas là. Evelyn Debey, professeure à l’Université de Ghent, en Belgique, et ses collègues ont interrogé des personnes de leur communauté âgées de 6 à 77 ans sur leur habitudes de mensonge au quotidien. Ils ont constaté avec intérêt que si toutes les classes d’âge mentaient, le mensonge s’inscrivait dans un schéma en forme de U inversé. Les mensonges devenaient de plus en plus fréquents durant l’enfance pour atteindre un sommet à l’adolescence, et diminuer (sans pour autant disparaître) durant les années de l’âge adulte.

Mais comment se développe cette aptitude au mensonge? Que se passe-t-il pendant les années préscolaires qui permet aux enfants de proférer leurs premiers mensonges?

La composante cognitive

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Mentir peut sembler facile, mais mentir efficacement exige énormément d’aptitudes cognitives. Pour pouvoir dire un mensonge, l’enfant doit tout d’abord comprendre que d’autres peuvent avoir des croyances et connaissances différentes des siennes et que ces croyances peuvent être fausses.

Le pic de mensonge qui se produit autour des 4 ans correspond au moment où l’enfant commence à maîtriser les aptitudes qui lui permettent de réfléchir aux fausses croyances des autres. C’est cette aptitude qui permet d’établir une corrélation avec une hausse des mensonges.

Quand l’enfant comprend qu’il peut inspirer une perception erronée en recourant au mensonge, il doit ensuite faire usage de sa capacité d’inhibition afin d’éviter de « lâcher le morceau », ainsi que de sa mémoire afin de se souvenir des vérités et mensonges qu’il a prononcés.

À titre d’exemple, la directrice de notre laboratoire, Angela Evans, et Kang Lee, professeur à l’université de Toronto, ont observé le mensonge chez de jeunes enfants ainsi que leur développement cognitif. Ils en ont conclu que les enfants démontrant de meilleures aptitudes cognitives telles que l’inhibition et la mémoire étaient plus susceptibles de mentir. Ils ont également prouvé que ces aptitudes cognitives restent importantes afin de faire perdurer un mensonge durant toute l’adolescence.

Les motivations d’ordre social

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Si les aptitudes au mensonge peuvent s’inspirer en partie par le progression des facultés cognitives, nos recherches suggèrent que le mensonge résulte fréquemment de facteurs sociaux.

Un de nos études démontre que les enfants âgés de 3 à 8 ans qui ont au moins un frère ou une sœur ont tendance à tricher davantage que ceux qui sont enfant unique. Le plus âgé des deux avait davantage tendance à mentir que le plus jeune.

Le fait d’avoir des frères ou sœurs avec qui jouer peut encourager et normaliser la tendance à mentir. L’aîné peut profiter de son ascendant pour manipuler le plus jeune dont les facultés cognitives sont moins avancées.

Étant donné que le mensonge s’inscrit dans la partie commune et normative de la socialisation de l’enfant, la présence de frères ou sœurs lui fournit simplement un environnement additionnel pour peaufiner sa capacité à mentir. Mais il ne faut pas oublier que la présence de frères et sœurs peut tout aussi bien renforcer un comportement prosocial et certaines aptitudes cognitives.

Faire l’éloge de la vérité

Quand les enfants commencent à mentir, le rôle des parents est de les former aux normes et attentes sociétales sur l’honnêteté. De nombreux parents se demandent si l’on dispose de stratégies afin d’encourager les enfants à dire la vérité. Les psychologues ont étudié cette question et ont trouvé plusieurs techniques.

L’une d’elles consiste à faire la lecture d’histoires morales, telles que Le garçon qui criait au loup afin de mettre l’accent sur l’importance de l’honnêteté.

Cependant, les chercheurs ont découvert que les histoires morales n’ont pas d’impact sur honnêteté. Par contre, les histoires qui font l’éloge de la vérité ont tendance à encourager l’honnêteté chez les enfants.

Une autre méthode simple consiste à leur faire promettre de dire la vérité. Cette méthode est particulièrement efficace chez les enfants à partir de 5 ans et jusqu’à la fin de l’adolescence.

Mais que faire pour les jeunes enfants? L’une de nos études récentes demandant à des enfants de 3 à 4 ans de se regarder dans un miroir pendant qu’on les questionne sur un méfait – ce qui les rend conscients d’eux-mêmes - a considérablement amélioré leur tendance à dire la vérité.

Le mensonge au-delà de l'enfance

Même si le mensonge débute jeune, on en sait peu sur les habitudes mensongères des adultes plus âgés.

Compte tenu du vieillissement de la population, c'est un domaine d'actualité qu'il serait nécessaire d'explorer. Nous comptons nous y atteler au cours des cinq ans à venir.

Nous allons mesurer la fréquence et le type des mensonges racontés par les adultes et la façon dont cette habitude évolue au fil des ans. Nous mesurerons également les liens du mensonge avec les facteurs cognitifs et sociaux des adultes plus âgés. Si, par exemple, les personnes âgées ont tendance à mentir sur leur état de santé, les chercheurs pourraient essayer de promouvoir une communication honnête en ce qui concerne leur santé.

Demeurez à l’affût pour découvrir ce que les psychologues en développement pourront nous apprendre sur l'évolution du mensonge durant la vie.

The Conversation

Alison O'Connor, PhD student, psychology, Brock University et Angela Evans, associate professor, psychology, Brock University.

► Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.



Dernière mise à jour: octobre 2019
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