Entre l'accompagnante postnatale et la sage-femme: le fabuleux métier de kraamzorg

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Une fée qui arriverait comme par magie après votre accouchement, à domicile, pour vous aider dans à peu près tout - courses, repas, linge, mais aussi soins au bébé et à vous-même - vous en avez rêvé? Les Pays-Bas l'ont fait. Cette fée, c'est la kraamzorg, "aide-maman", et nous avons interviewé l'une d'entre elles.

Aux Pays-Bas, le métier de kraamzorg, ou kraamverzorgster (= infirmière de maternité), est une profession périnatale qui consiste à accompagner les jeunes parents en post-partum immédiat sur les plans pratique, psycho-affectif et médical. Les kraamzorgs existent aussi en Belgique néerlandophone (Flandre), où les femmes ont droit à 9 visites d'environ 3-4 heures, prises en charge par leur caisse d'assurance maladie, mais le métier diffère de la kraamzorg hollandaise, notamment sur l'aspect médical qui reste le rôle des sage-femmes en Belgique.

Kraamzorg signifie littéralement "soins de maternité". Par extension, on parle de "la kraamzorg" ou "aide-maman" en français, pour désigner cette perle un peu doula, un peu puéricultrice, un peu sage-femme et tout ça à la fois, qui vient chez vous après votre accouchement.

Il faut savoir qu'en Hollande, beaucoup de femmes accouchent à domicile, et quand elles accouchent en structure médicale, elles rentrent chez elles quelques heures à peine après la naissance (lire l'interview ci-dessous à ce sujet). À la maison, la kraamzorg prend le relais, et en cas de besoin, contacte une sage-femme.

Delphine est l'une de ces kraamzorgs. Française, elle a grandi aux Pays-Bas, et est revenue y vivre pour y épouser son amour de jeunesse. Elle a travaillé une dizaine d'années dans une banque, mais a tout plaqué pour devenir kraamzorg. Elle nous raconte son incroyable - et tellement utile - métier.

Vous pouvez retrouver les activités de Delphine sur son site internet, AMA, ou la suivre sur son compte Instagram: @ama_kraamzorg_francaise

Comment êtes-vous devenue kraamzorg française aux Pays-Bas?

En m'installant aux Pays-Bas, je me suis fait muter dans une banque avec des super conditions de travail, mais je m'ennuyais à mourir. J'avais vu des mamans très seules après leur accouchement, dont ma mère, alors il m'est venu l'idée d'aider les femmes juste après la grossesse. J'ai réfléchi à un projet, c'est comme ça que j'ai créé AMA : Aide Maman Amsterdam. J'ai contacté des sage-femmes, et l'une d'entre elles m'a invitée à l'accompagner en tournée dans les familles. C'est là que j'ai découvert les kraamzorgs et leur métier incroyable. La sage-femme m'a encouragée à faire ce métier, il y avait un réel besoin, avec beaucoup de Français expatriés en Hollande.

Malgré ces encouragements, je doutais. Je n'avais pas fait d'études de médecine, et j'avais un gros syndrome de l'imposteur. Deux mois après je reprenais des études pour trois années. Kraamzorg est un diplôme d'état néerlandais. On prête serment, et on détient un numéro d'affiliation valable quatre ans durant lesquels il faut justifier d'un contrôle continu et faire des formations pour être à jour des protocoles et connaître certains gestes médicaux (réanimation d'un nourrisson, accompagnement de l'accouchement, etc.).

L'accouchement à domicile aux Pays-Bas représente, selon les derniers chiffres officiels, 13 % des accouchements. Mais depuis le Covid, il semblerait qu'on soit plutôt aux alentours de 19-20 %, à confirmer. En moyenne, on sort 4 à 6 h après l'accouchement, sauf en cas de complications évidemment, et si tous les feux sont au vert côté bébé et maman. Les parents rentrent donc très rapidement chez eux, et c'est là que j'entre en scène.

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Quel est votre rôle en tant que kraamzorg auprès de la toute nouvelle famille?

La kraamzorg fait le même travail que les sage-femmes en France et en Belgique en postnatal. Sur le plan médical, on vérifie les constantes, la rétractation de l'utérus, les saignements, la cicatrisation, la poitrine, les jambes, etc. Côté bébé, on surveille la couleur de l'enfant, sa température, sa prise de poids, son état général (réactions, etc.), la cicatrisation du cordon. On travaille en relation avec les sage-femmes qui sont les responsables finales de la mère et de l'enfant. On a donc des protocoles précis à suivre, et si j'ai un doute, je dois informer la sage-femme. Si besoin, elle vient alors très rapidement.

Sur l'aspect logistique, on gère l'intendance de la maison: linge, repas... On s'occupe de la fratrie: attention, on n'est pas des baby-sitters, mais on fait en sorte que la mayonnaise prenne au sein de la fratrie.

Côté puériculture, je donne le bain au bébé, puis je propose aux parents de prendre le relais. Je leur apprends à peu près tout lorsque ce sont de nouveaux parents qui découvrent ce qu'est un bébé. Je leur montre comment changer la couche, l'habillage, le couchage... J'accompagne également l'alimentation du nouveau-né. En cas d'allaitement, j'apporte conseils et soutien, je montre les positions pour bien allaiter bébé, et si bébé est nourri au biberon, je montre comment préparer le biberon, le nettoyer, etc. Je guide aussi les parents dans leur propre alimentation, en m'assurant que les jeunes mamans mangent correctement. Pour ma part, comme je suis française et que j'ai beaucoup de clients français, je prends le temps de déjeuner avec les parents le midi, c'est un moment privilégié pour leur donner des informations, pour les accompagner dans le début de leur parentalité. D'autant plus qu'ils sont expatriés et que, la plupart du temps, ils n'ont pas de famille sur place.

La kraamzorg gère aussi l'administratif, et nous faisons le lien avec l'équivalent de l'ONE (ou la PMI en France) au moyen d'un carnet de santé de la semaine de la naissance, dans lequel nous transférons toutes les informations utiles et que les parents peuvent bien entendu conserver.

Pour finir, je laisse un temps de repos aux parents. Pendant ce temps-là, je m'occupe du bébé. Je ne le câline pas comme je câlinerais mes enfants à moi, mais je l'accueille, le rassure en lui parlant beaucoup, en le tenant bien serré pour qu'il se sente en sécurité. Je l'écoute aussi, quand il pleure, c'est qu'il a des choses à dire! C'est souvent à ce moment que certains parents me disent que je suis une fée, je trouve ça mignon.

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Quel est le statut de la kraamzorg? Qui vous paye?

Les interventions de la kraamzorg sont prises en charge par l'assurance maladie, et tout le monde y a droit. Ça n'est pas une obligation, mais un droit. J'ai un statut de profession libérale. Je suis affiliée à une coopérative qui a des contrats avec les assurances. Je suis donc rémunérée par les assurances (équivalent sécurité sociale + mutuelle).

Combien de temps passez-vous dans une famille? Intervenez-vous en prénatal?

Les familles ont droit à 49 heures à étendre sur les 8 jours qui suivent l'accouchement, mais on fait en fonction des besoins de la famille, et évidemment de nos disponibilités à nous. Si j'ai deux familles en même temps je divise mon temps quotidien par deux. Je n'interviens pas en prénatal, uniquement en postnatal, au plus tôt lors de la dernière phase d'un accouchement à domicile. On fait une rencontre prénatale, mais pour faire un point pratique, sur le matériel, la maison, et aussi voir s'il y a des attentes particulières, notamment des régimes alimentaires spéciaux, ce genre de choses.

Où s'arrête votre métier et où commence celui de la sage-femme?

Il n'y a aucune rivalité entre les sage-femmes et les kraamzorgs. On ne retrouve pas du tout cette tendance à penser que l'autre travaille sur ses plates-bandes. Ce sont deux métiers bien distincts: les sage-femmes font du médical, du prénatal, des accouchements, et nous, nous les assistons. Nous sommes là après, nous sommes leurs yeux et leurs oreilles. Il y a une grande solidarité entre nous, et c'est quelque chose que je remarque aussi avec mes collègues néerlandaises kraamzorgs. Si j'ai un souci, je sais que je peux avoir un relais demain avec ma cliente. En période de Covid, c'est plutôt rassurant.

Quand elle démarre son suivi de grossesse, la sage-femme conseille rapidement à la future maman de s'inscrire auprès d'un bureau de sage-femmes ou auprès d'une sage-femme indépendante. Beaucoup de clientes me sont ainsi envoyées via les bureaux de sage-femmes. On se connait bien, on travaille ensemble. Et quand on ne se connait pas, lorsque j'arrive à la fin d'un accouchement, je sais immédiatement de quoi la sage-femme a besoin, et la sage-femme sait comment me demander les choses. Les mamans nous disent souvent qu'elles ont eu l'impression qu'on se connaissait déjà!

Le métier de kraamzorg est-il connu - et reconnu - aux Pays-Bas?

Le métier est plus que connu aux Pays-Bas puisqu'il est indispensable. Hélas, il est parfois un peu maltraité par les néerlandais, car c'est devenu tellement normal d'y avoir droit que certains en abusent un peu et sollicitent la kraamzorg pour sortir le chien, nettoyer la cave, faire le linge des trois semaines précédentes... On n'est pas des bonniches, c'est clair et net! Nous ne faisons pas le ménage, mais nous devons nous assurer que la maison est propre et saine, et tous les jours, nous nettoyons les sanitaires: toilettes et salle de bains. Les toilettes, c'est hyper important pour l'hygiène de la jeune maman dont le col de l'utérus n'est pas encore tout à fait refermé. On peut nettoyer aussi la cuisine, mais nous ne sommes pas femmes de ménage et n'allons pas récurrer toute la maison.

Pour moi je fais le plus beau métier du monde. C'est parfois difficile, car il arrive qu'on soit sur un fil entre la vie et la mort, c'est heureusement peu courant. Malgré tout, voir naître un bébé et voir naître une maman et un papa, c'est quelque chose de très beau, et j'ai beaucoup de chance de faire ce métier. J'espère vraiment que le métier de kraamzorg va s'exporter vers les pays voisins (et au-delà), pour que les femmes soient partout mieux accompagnées qu'elles ne le sont actuellement.

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auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: janvier 2022

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