Vaccin Covid-19 et allaitement : puis-je me faire vacciner sans risque pour mon bébé ?

dossier Vous devez vous faire vacciner contre le Covid mais vous allaitez encore votre bébé et vous êtes inquiète ? Nous avons demandé à Pierre Marschall, docteur en immunologie, de répondre aux questions que les mamans se posent.

Avant tout, est-ce que le vaccin fonctionne aussi bien chez les femmes allaitantes que chez une personne lambda ?

« Oui, malgré les changements, notamment hormonaux, que l'on retrouve chez la femme allaitante, les vaccins actuellement sur le marché causent une augmentation des anticorps contre le SARS-CoV-2 à des niveaux similaires à ceux observés chez des femmes non allaitantes, et n'attendant pas d'enfant. »

Le vaccin peut-il se transmettre au bébé par le lait maternel ?

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Pour les vaccins à ARN messager

« Ces vaccins ne contiennent aucun microbe entier et ne peuvent donc pas se répliquer. Il n'est pas possible de contaminer le bébé avec un quelconque microbe. Il s'agit d'un ARN messager qui va faire produire une protéine virale, appelée la Spike, à nos cellules, comme cela arriverait dans une vraie infection par le SARS-CoV-2. Cet ARN est encapsulé dans des microbulles d'acides gras.

L'ARN messager en lui-même n'est pas détecté dans le lait maternel après immunisation selon une toute petite étude, suggérant que les liposomes ne passent pas directement dans le lait.

On notera par ailleurs que, malgré les modifications apportées à l'ARN messager vaccinal afin d'augmenter sa durée de vie, celle-ci reste limitée dans le temps à une poignée de jours dans l'organisme. Il est aussi fort probable que l'ARN en lui-même soit dégradé par la digestion s'il venait à être ingéré d'une manière ou d'une autre.

Enfin, l'ARN messager, le produit actif, n'est pas le seul composant du vaccin puisque des excipients sont inclus dans la seringue. La majorité sont des acides gras et des dérivés de cholestérol présents naturellement dans l'organisme. Pour celles qui sont inquiètes quant à la possibilité de faire entrer du polyethylène-glycol dans l'organisme de votre enfant, rien n'indique que la quantité infime contenue dans le vaccin puisse passer dans le lait, et le taux d'absorption par voie digestive est de l'ordre de 2%. La quantité maximale théorique reste donc infinitésimale.

Les vaccins actuellement utilisés ne contiennent pas de préservateurs ou de molécules qualifiées d'adjuvantes pouvant arriver dans le lait maternel. »

Pour les vaccins à vecteurs viraux

« Il s'agit de virus (des adénovirus) modifiés afin de ne pas être capables de se multiplier dans nos cellules. Ils ont la capacité de réplication de votre agrafeuse (et vous avouerez que vous la voyez rarement se reproduire). Dès lors, votre bébé ne peut pas être contaminé par le vecteur viral utilisé dans ce vaccin.

Ce vecteur viral va injecter dans nos cellules de l'ADN qui va leur faire produire la Spike du SARS-CoV-2, à nouveau comme cela arriverait avec une infection réelle. Et notre système immunitaire va donc reconnaître cette protéine.

Le vaccin contient très peu de composants, outre le virus qui, en l'état actuel des connaissances, ne peut pas passer dans le lait. Le vaccin de Janssen contient quant à lui de petites doses du PEG-80 afin de solubiliser les virus. On retrouve également ce PEG-80 dans d'autres produits, notamment alimentaires, bien qu'il puisse être intéressant de limiter leur consommation. Globalement, on notera que la littérature est moins fournie quant à l'allaitement après un vaccin Covid-19 à vecteur viral qu'à ARN messager. »

Et quid de la protéine Spike que nos cellules fabriquent suite au vaccin ?

« On a pu lire à beaucoup d'endroits que la protéine Spike était hautement toxique. A ce titre, plusieurs personnes ont pu dire que le vaccin, qui fait produire cette protéine à vos cellules, que ce soit pour les vaccins à ARN ou à vecteur viral, peut vous transformer en purée de chouquette.

Notons plusieurs choses : les protéines ne passent pas n'importe comment dans le lait. C'est un processus qui est contrôlé par la glande mammaire et c'est pour cela que les vaccins inactivés protéiques ne posent pas de problème pour l'allaitement.

Par ailleurs, la protéine de Spike qui est synthétisée suite au vaccin est dite « transmembranaire ». Elle n'est pas relarguée dans la circulation sanguine mais est encastrée dans la membrane de la cellule qui la produit. Bien que les données de pharmacocinétique disponibles n'aient pas montré d'accumulation particulière du vaccin dans la glande mammaire, on peut donc dire que même si les cellules de cette glande produisaient la Spike suite au vaccin, on ne retrouverait vraisemblablement tout de même pas cette protéine dans le lait maternel. D'ailleurs, avec des techniques très spéciales, on a pu montrer que la protéine n'est présente qu'à des quantités infimes dans le sang d'une personne vaccinée, possiblement relarguée en très (très) petites quantités lorsque les cellules meurent. Et ces quantités sont loin de celles qui ont été décrites comme toxiques. »

La vaccination peut-elle affecter la lactation ?

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« C'est possible. On parle ici de symptômes rapportés par les mamans elles-mêmes, pas de mesures objectivées dans le cadre d'un essai clinique. Il faut donc prendre ces résultats avec des pincettes, bien que l'inflammation causée par le vaccin puisse provoquer des modifications transitoires de la lactation.

Environ 10% des femmes ont déclaré une baisse de production de lait, surtout pour la seconde dose de Moderna où on arrive à plus de 20 % des femmes. Certaines femmes ont déclaré une production de lait plus élevée au contraire. Dans tous les cas, la production est revenue à la normale sous 3 jours maximum. Certaines femmes - 5% - ont également noté que leur lait avait un aspect bleu-vert quelques jours après le vaccin, ce qui n'est pas du tout surprenant et peut totalement arriver simplement par l'alimentation. »

A-t-on des retours cliniques de mamans allaitantes vaccinées ?

« Selon le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes (CRAT), le suivi d'environ 4000 femmes allaitantes vaccinées par un vaccin à ARN messager n'a pas permis d'identifier de signal de risque chez les enfants, ou les mamans. De même pour les femmes enceintes.

Les partenariats du CRAT sur une centaine d'enfants allaités par des mamans vaccinées - majoritairement par des vaccins à ARN messagers - n'ont pas non plus révélé de signal de danger. Moins de 2% des mamans vaccinées rapportent un impact négatif sur l'allaitement, et cela inclut généralement des symptômes sur elles-mêmes comme une fatigue ou des maux de tête. Lorsque les mamans ont signalé un potentiel effet sur l'enfant allaité, cela se limitait à de l'irritabilité, de la fatigue et un sommeil agité. Ces symptômes ne peuvent toutefois pas être liés avec certitude au vaccin. »

Les anticorps transmis à la mère grâce au vaccin passent-ils dans le lait ? Si oui, mon bébé en bénéficie-t-il ?

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« Chez l'humain comme chez bien des mammifères, le lait maternel peut servir à transmettre des médiateurs immunitaires à l'enfant, et notamment des anticorps.

Les anticorps représentent l'une des branches armées de notre système immunitaire. Ils se fixent dans un premier temps sur un microbe afin de le neutraliser - une fois recouvert, le virus ne peut plus se coller sur ses cellules cibles pour les infecter -, puis les anticorps vont se servir de leur pied libre - la base du Y quand on imagine la forme d'un anticorps - pour activer d'autres branches du système immunitaire conduisant au nettoyage du microbe.

Dans nos muqueuses, on retrouve un type bien particulier d'anticorps appelé Immunoglobuline A (ou IgA). Ce type d'anticorps a la propriété de pouvoir être « excrété » de notre organisme dans nos fluides, et notamment dans le lait maternel. Au sein des glandes mammaires, des cellules vont attraper les IgA qui passent dans le sang de la maman et les transporter dans le lait afin de transmettre ces anticorps maternels à l'enfant par le lait.

Chez l'humain, les anticorps présents dans le lait ne passent pas, ou très très peu, dans le sang du bébé. Ils vont tapisser son tube digestif afin de neutraliser les microbes qu'ils voient passer. Leur efficacité est donc limitée contre certaines formes de contamination.

Les mamans qui ont eu la Covid-19 présentent dans leur lait des anticorps neutralisant le SARS-CoV-2 avec une très bonne efficacité. Il était donc intéressant de déterminer si les mamans vaccinées présentent également des anticorps anti-SARS-CoV-2 dans leur lait. Et en effet, c'est bien le cas, comme le rapportent une quantité importantes d'études aujourd'hui.

Bien qu'à l'heure actuelle, on ne sache pas exactement si ces anticorps sont protecteurs (comme pour les mamans qui ont guéri du Covid-19), cela reste une hypothèse intéressante qui est actuellement étudiée. »

Pierre Marschall est docteur en immunologie et administrateur de la page Vaccins France et du groupe Facebook Vaccins France - Informations & Discussions.

Sources

European Medicines Agency

• Medrxiv - COVID-19 vaccine response in pregnant and lactating women: a cohort study

• Medrxiv - Immune response during lactation after anti-SARS-CoV2 mRNA vaccine

• American Journal of Perinatology - COVID-19 Vaccine Considerations during Pregnancy and Lactation

• Breastfeeding Medicine - Maternal and Child Symptoms Following COVID-19 Vaccination Among Breastfeeding Mothers

• Pubmed - SARS-CoV-2-Specific Antibodies in Breast Milk After COVID-19 Vaccination of Breastfeeding Women

• Medrxiv - Quantification of specific antibodies against SARS-CoV-2 in breast milk of lactating women vaccinated with an mRNA vaccine

• Jama - SARS-CoV-2–Specific Antibodies in Breast Milk After COVID-19 Vaccination of Breastfeeding Women

American Journal of Obstetrics and Gynecology

• Medrxiv - BNT162b2 COVID-19 mRNA vaccine elicits a rapid and synchronized antibody response in blood and milk of breastfeeding women

• Medrxiv - SARS-CoV-2 antibodies detected in human breast milk post-vaccination

auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: novembre 2022
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