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L'oesophage de Barrett
dossier L'oesophage de Barrett (OB) est une affection qui touche la partie inférieure de l’œsophage (ou bas œsophage), lorsque les cellules de la muqueuse oesophagienne subissent des transformations irréversibles (métaplasie cylindrique de l'oesophage). Il s'agit d'une complication du reflux gastro-oesophagien chronique (RGOC). Quelles en sont les causes, qu'en est-il des symptômes et de quels traitements dispose-t-on ?
La prévalence de l'oesophage de Barrett dans la population générale est de 2% à 5%, sachant que la maladie peut être asymptomatique chez neuf patients sur dix. L’incidence des formes sévères est beaucoup plus faible, avec un cas sur 3.000.
L'OB est environ deux fois plus fréquent chez les hommes que chez les femmes et intervient surtout après l'âge de 50 ans (l'âge moyen du diagnostic s'établit à 60 ans).
Environ 10 à 15% des patients souffrant d’un reflux gastro-oesophagien développeront tôt ou tard un œsophage de Barrett.
Que se passe-t-il ?
Un œsophage sain est recouvert d’une muqueuse blanche perlée également appelée épithélium pavimenteux. Sous l'effet d'épisodes à répétition de reflux gastro-oesophagien, ces cellules normales peuvent se transformer en cellules cylindriques anormales. Lorsque ce changement intervient, il n'y a pas de retour en arrière possible : c'est l'oesophage de Barrett. Dans cette situation, le revêtement malpighien blanc de la muqueuse se transforme en un revêtement muqueux rose saumon.
Le nom de la maladie provient de celui d'un médecin anglais, Norman Barrett, qui a décrit pour la première fois cette pathologie en 1953.
Les causes
Un reflux gastro-oesophagien chronique peut à la longue abîmer la muqueuse oesophagienne et provoquer une inflammation. En effet, l’œsophage n’est pas bien protégé face à ces agressions acides, ce qui peut déclencher une oesophagite aiguë. Ceci explique aussi, en cas de récidives chroniques, la transformation de la muqueuse sur quelques centimètres, mais parfois sur une portion nettement plus importante du bas œsophage.
Les facteurs responsables du reflux chronique sont probablement à l'origine de l'oesophage de Barrett. En effet, l'exposition répétée de l'oesophage aux sucs gastriques entraîne une métaplasie qui peut évoluer vers une dysplasie, menant éventuellement à un carcinome. Mais pas de panique. Toutes les personnes souffrant de reflux-gastro-oesophagien ne développeront pas systématiquement un œsophage de Barrett. Celui-ci concernera en fait un patient sur dix environ.
Les autres facteurs de risque
Parmi les autres causes possibles, on citera l’âge, le tabac et l'obésité. L’hérédité serait également un facteur non négligeable. Récemment, deux gènes ont été identifiés comme pouvant être responsables du développement du l’œsophage de Barrett. De plus, certaines mutations ou variations génétiques (comme celles prédisposant à l’obésité) pourraient y être associées.
Les symptômes
L’œsophage de Barrett peut être totalement asymptomatique chez certains patients. Beaucoup indiquent souffrir depuis de nombreuses années de remontées acides.
Les patients atteints d'un OB présentent souvent les symptômes « classiques » du RGOC, mais ceux-ci s'expriment généralement de manière plus sévère : brûlures d'estomac, régurgitations acides, nausées, difficultés de déglutition, perte d'appétit, perte de poids, ulcère peptique de l'oesophage et sténose oesophagienne.
L'inflammation de l'oesophage peut être à l'origine de saignements entraînant une anémie. Les hémorragies gastro-intestinales massives sont rares. L'étiologie exacte reste inconnue.
Certains évoquent une douleur lancinante, parfois oppressante, à hauteur du diaphragme ou plus largement dans la poitrine.
Les personnes souffrant d’une hernie hiatale seraient davantage prédisposées.
Le risque de cancer
Les patients atteints d’un œsophage de Barrett présentent un risque beaucoup plus important (de 30 à 50 fois plus élevé par rapport au reste de la population) de développer un cancer de l’œsophage. Ceci étant, moins de 5% de ces patients vont en être atteint.
Le cancer de l’œsophage est assez insidieux car il ne devient symptomatique que tardivement. Le pronostic est alors sombre. Le fait que les patients souffrant de RGOC, et a fortiori d’un œsophage de Barrett, soient médicalement suivis de près augmente les chances de détection précoce d'un éventuel cancer de l’oesophage et ainsi la probabilité de guérison. Qui plus est, l’œsophage de Barrett n’évolue en cancer de l’œsophage que très lentement. Il y a d’abord une phase intermédiaire pré-maligne appelée la dysplasie.
Le diagnostic
Il repose sur la gastroscopie, pratiquée par un gastroentérologue.
L’examen consiste à introduire par la bouche une sonde équipée d’une caméra. La gorge a été préalablement anesthésiée par administration d’un spray. Un calmant décontractant est indiqué. Une biopsie sera pratiquée en cours d’examen. Elle consiste à prélever un petit morceau de tissu de la muqueuse. Ensuite, une analyse microscopique permet d’établir un diagnostic précis (œsophage de Barrett ou pas et à quel stade, dysplasie...).
L’œsophage de Barrett se décline en plusieurs grades, en fonction de la gravité des modifications tissulaires, et cette classification détermine la prise en charge.
Les traitements
Il convient de traiter les plaintes liées au reflux et d’effectuer un contrôle médical régulier et minutieux.
La prise en charge a pour but de diminuer le reflux gastro-oesophagien, d'améliorer le transit oesophagien et de prévenir le développement d'un cancer de l'oesophage. Un régime adapté, une bonne hygiène de vie, des médicaments et une intervention chirurgicale peuvent être associés.
1° - Les mesures générales
• Eviter les préparations riches en graisses et ne pas prendre son repas moins de trois heures avant le coucher.
• Limiter le chocolat, la nicotine, la menthe forte, les oignons crus, la tomate, la caféine, la théine, les crudités, les plats en sauce, les agrumes et l'alcool. Tout ceci aggrave le reflux.
• Surélever de vingt centimètres la tête de lit, ou ajouter un coussin, afin de prévenir les remontées acides nocturnes.
2° - Les médicaments
La thérapie médicamenteuse de l'oesophage de Barrett inclut la prise quotidienne de médicaments anti-sécrétoires (IPP : inhibiteurs de la pompe à protons et inhibiteurs du récepteur H-2) et des prokinétiques.
Ces médicaments ne guérissent pas la maladie mais ils permettent de lutter contre les symptômes. En limitant les remontées acides, ils préviennent l'extension de la maladie à une zone plus importante de la muqueuse.
3° - Les contrôles
Puisqu'il est très difficile de prévoir si un patient atteint de l’œsophage de Barrett développera un cancer de l’œsophage, une gastroscopie de contrôle est recommandée tous les trois à cinq ans, et plus fréquemment si nécessaire (tous les six mois ou tous les ans).
L'examen permet d’examiner avec attention la muqueuse et de procéder en divers endroits à des biopsies destinées à vérifier la présence d'une dysplasie (stade précancéreux). Si c'est le cas, les intervalles entre les contrôles seront raccourcis.
Indépendamment de ce contrôle, il est important que les personnes atteintes d’un œsophage de Barrett restent à l’écoute de leur corps et consultent leur gastroentérologue si les plaintes s'intensifient :
• une perte de poids soudaine
• des vomissements avec du sang
• des selles noires
• des problèmes de déglutition, de la nourriture qui ne passe pas
• une perte d’appétit
4° - Le stade précancéreux précoce
Aucun traitement anticancéreux ne sera instauré. Le reflux gastro-oesophagien doit être sous contrôle. La chimioprophylaxie consiste en l’administration d’un agent pharmacologique destiné à prévenir le développement d’un cancer. La dégénérescence maligne d’un œsophage de Barrett est un processus qui s’étend sur plusieurs années, d’où l’intérêt d’une chimioprophylaxie. Les deux catégories d’agents les plus étudiés sont les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ainsi que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ains). Ces cellules précancéreuses peuvent parfois disparaître spontanément au fil du temps, mais c’est loin d’être une généralité.
D’autres techniques sont à l'étude, comme l’ablation par radiofréquence.
5° - Le stade précancéreux de haut grade
Une résection endoscopique de toutes les lésions visibles, suivie d’une ablation par radiofréquence, constitue le traitement de choix.
• La résection muqueuse endoscopique (RME) est une technique permettant la résection de la muqueuse et d’une partie de la sous-muqueuse avec des diamètres de résection de plus en plus larges.
• L’ablation par radiofréquence repose sur l’application de chaleur à l’aide de micro-électrodes placées à l’extrémité de sondes. Il existe deux types de sondes d’ablation : le HALO 90, une palette d’ablation focale de 2 x 2 cm fixée à l’extrémité de l’endoscope, et le HALO 360, un ballon recouvert d’électrodes circulaires permettant une ablation circonférentielle de la muqueuse œsophagienne. Le principal avantage de la technique d’ablation par radiofréquence est la faible profondeur de l’énergie délivrée, permettant une ablation contrôlée de la muqueuse et de la sous-muqueuse superficielle. Résultat : une bonne sécurité d’emploi, un faible risque de perforation et de sténose.
Si la zone prémaligne est supérieure à 3 cm ou en cas de cancer de l’œsophage avéré, une intervention chirurgicale beaucoup plus lourde sera envisagée : on procédera à l’ablation d’une grosse partie de l’œsophage et l’estomac sera rattaché au début de l’œsophage.