Médecine chinoise : le corps et l’esprit

dossier Si, en Europe, la médecine chinoise pâtit souvent d’une réputation de folklore et de paramédecine, elle n’en est pas moins un système médical puissant qui régit le quotidien de millions de personnes, en Chine et ailleurs dans le monde. Et si l’Orient ouvrait de nouveaux horizons à la santé ?

Vieille de plus de deux mille ans, la médecine chinoise repose sur des principes ancestraux, qui dépaysent souvent le médecin comme le patient occidental. Pour la médecine chinoise, corps et esprit ne sont pas séparables. La relation qui unit nos différents organes compte d’ailleurs bien davantage que ces organes eux-mêmes.

Au lieu de “découper” le patient en petits morceaux – consultation chez le rhumatologue pour une douleur articulaire, chez le psychiatre pour une dépression… –, la médecine chinoise adopte une perspective globale et accorde une place primordiale au profil du patient, y compris dans ce qui ne relève pas de la pathologie : nature du teint, de la voix, odeurs corporelles…

Deux systèmes parallèles et complémentaires

Dans nos contrées, cette conception de la santé, radicalement différente de celle qui régit la médecine occidentale, suscite souvent une condescendance amusée, voire une certaine méfiance.

Mais si l’on gratte un peu, on constate que les publications scientifiques se multiplient. Que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) encourage sa pratique. Que les universités et les chercheurs s’y intéressent de plus en plus. Et, lentement mais sûrement, qu’un dialogue entre médecine chinoise et médecine occidentale conventionnelle se met en place.

La médecine chinoise possède un fonctionnement tout à fait différent de ce qu’on appelle en Occident “les médecines parallèles” ou “non conventionnelles”. D’abord, parce qu’il s’agit d’un véritable système médical et non d’une pratique qui viendrait en complément : elle couvre en effet toutes les spécialités, à la différence, par exemple, de l’homéopathie ou de l’ostéopathie, explique Éric Marié, responsable scientifique des diplômes universitaires de médecine chinoise à la Faculté de médecine de Montpellier et du certificat de l’Université de Louvain-la-Neuve (1).

Ainsi, tout comme notre médecine occidentale conventionnelle (ou biomédecine), la médecine chinoise est pratiquée dans plusieurs pays comme médecine d’État, bénéficiant comme telle de soutiens publics. Le cas de la Chine est emblématique : là-bas, études de médecine chinoise et études de médecine occidentale durent le même nombre d’années et donnent accès à un titre de même niveau. Les deux systèmes possèdent chacun leurs propres centres hospitaliers universitaires, instituts de recherche et même académie de médecine.

(1) Approche historique et épistémologique des théories et des pratiques sur le corps, la santé et la maladie en Chine, UCL.

Une médecine exportable

En Chine, 90% de la population a ainsi déjà fait appel, parfois parallèlement à la médecine occidentale, à la médecine chinoise. Mais ce n’est pas tout.

Une étude de l’OMS datant de 2001 a montré que de nombreux pays du Pacifique occidental y avaient également recours: 69% de la population en Corée, plus de 57% aux Philippines et plus de 48%... en Australie. Preuve que cette médecine est aussi “exportable” dans des cultures très différentes de la culture chinoise. Dans 75% de ces pays, la médecine chinoise fait d’ailleurs l’objet d’une politique gouvernementale, ce qui témoigne de son statut officiel. En France et en Belgique, la situation est néanmoins bien différente.

Ici, les praticiens sont soit des docteurs en médecine qui ont suivi une formation universitaire complémentaire et deviennent médecins acupuncteurs, soit des personnes qui font une formation de médecine chinoise en école privée, parfois très longue, dans une optique plus globale que la seule acupuncture, mais qui ne sont alors pas reconnues officiellement.

Maladie aiguë contre chronique

Ce manque de reconnaissance institutionnelle ne facilite évidemment pas l’accès à des praticiens de médecine chinoise fiables. Or, si la médecine occidentale est intervenue là où la médecine chinoise défaillait, pourquoi ne pas tendre l’oreille à notre tour ?

Pour les problèmes de santé aigus – accident de la route, accident vasculaire cérébral, infection sévère… – la médecine occidentale est meilleure, car très technologique. En revanche, pour toutes les maladies chroniques – insomnie, troubles dépressifs, migraines... – la médecine chinoise peut offrir une solution là où la médecine occidentale ne propose souvent aucun traitement curatif.

Extraire le meilleur de chacun de ces systèmes serait-il donc la solution pour un Occident rongé par ces pathologies et la consommation de médicaments qui va avec ? Remplacer la médecine occidentale par la médecine chinoise serait une aberration absolue. Mais permettre au public occidental d’avoir le choix dans l’offre de soins serait une bonne chose. Nous n’avons pas grand-chose à perdre dans cette diversité. Il semblerait même que nous ayons, de-ci de-là, deux ou trois choses à y gagner.

L'acupuncture

La circulation énergétique

L’acupuncture consiste à insérer des aiguilles à la surface de la peau afin de faciliter la circulation de l’énergie. La médecine chinoise considère en effet que notre corps est traversé par des canaux énergétiques, les “méridiens”, que l’on peut comparer à des rivières où circule l’énergie (le qi ou chi). L’acupuncture a pour but de lutter contre les obstacles qui entravent le bon écoulement de cette énergie.

L’acupuncture médicale

Dans nos pays, c’est par l’acupuncture que la médecine chinoise nous est surtout connue. Introduite dans la première moitié du XXe siècle, par le biais des diplomates, cette thérapeutique ne représente pourtant qu’un des cinq piliers de la médecine chinoise, à côté du massage tui na, de la diététique, des exercices énergétiques comme le qi gong et de la pharmacopée.

Aujourd’hui, en Belgique, l’acupuncture est reconnue comme une spécialisation médicale officielle, accessible aux docteurs en médecine. Cette acupuncture “médicale” coexiste aux côtés de l’acupuncture “traditionnelle”, dont le statut est beaucoup plus flou.

La diététique

La plupart des principes alimentaires prônés en Occident se retrouvent en médecine chinoise, notamment en ce qui concerne la modération (toujours garder une place dans l’estomac). En revanche, la classification des aliments diffère radicalement.

Ainsi, en médecine chinoise, la valeur calorique et nutritionnelle (teneur en vitamines, protéines, lipides…) est délaissée au profit de la nature et de la saveur des aliments.

Aliments chauds et froids

La nature des aliments est froide ou chaude, selon l’effet thermique qu’ils produisent sur le corps.

• Une personne frileuse, fatiguée, au teint et à la langue pâles, aux urines claires et abondantes devra privilégier les aliments chauds, comme le piment.

• Une personne qui a toujours chaud ou soif, au teint et aux yeux rouges, aux urines foncées et peu abondantes, devra au contraire privilégier les aliments froids, comme les crudités.

Ceci ne vaut bien sûr qu’à titre d’exemple, car le praticien de médecine chinoise adaptera toujours ses recommandations en fonction du profil complet du patient.

Le salé, l’amer, le doux, le piquant et l’acide

La saveur des aliments correspond à un organe particulier. Le piquant est relié à la sphère énergétique du poumon, le salé à celle des reins, l’amer à celle du cœur, le doux à celle de la rate et du pancréas, l’acide à celle du foie.

En médecine chinoise, il est donc important de marier ces différentes saveurs au cours du repas afin de favoriser l’équilibre énergétique.

La pharmacopée

Le principe de précaution

Aujourd’hui, la pharmacopée chinoise suscite toujours une large méfiance de la part des autorités sanitaires européennes qui préfèrent tout interdire au nom du principe de précaution plutôt que de se lancer dans l’évaluation de milliers de produits. Il est légitime que certains produits soient contrôlés. Mais la grande masse de ces médicaments sont utilisés par plus d’un milliard de Chinois, avec une efficacité et une innocuité démontrées.

Ce qui définit le niveau de risque, c’est la compétence du praticien et du préparateur. Or, en ne réglementant pas, on met sur le même plan ceux qui sont compétents et ceux qui ne le sont pas, rappelle le Pr Éric Marié.

Gare à l’automédication

Cette absence de reconnaissance donne lieu à de nombreux amalgames. Le scandale des “plantes chinoises” amaigrissantes (en fait mélangées à de nombreux autres produits totalement étrangers à la pharmacopée chinoise) en témoigne. Ces médicaments n’avaient en rien été prescrits par des praticiens de médecine chinoise !

Par ailleurs, faut-il rappeler qu’en médecine chinoise, comme en médecine occidentale, toute pratique d’automédication fait courir un risque certain ?

INFOS

Association Belge des Médecins Acupuncteurs (ABMA)
Tél. 02 414 73 44
www.acupuncture.be


Source: Julie Luong

Dernière mise à jour: janvier 2024

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