Manger son placenta : de réels bienfaits pour la santé ?

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Manger son placenta : de réels bienfaits pour la santé ?

dossier La placentophagie, pratique qui consiste à manger son placenta, fait de plus en plus d’adeptes dans nos contrées. Selon la croyance, consommer son placenta cru, déshydraté, ou dilué favoriserait l’apport de nutriments bénéfiques en post-partum. Mais qu’en est-il réellement ?

« Votre placenta est déshydraté et transformé en vitamines. C’est quelque chose que j’étais très hésitante à faire, mais nous sommes les seuls mammifères à ne pas ingérer notre placenta. Cela n’a rien d’une potion de sorcière ou quelque chose comme ça, et j’encourage toutes les jeunes mamans à le faire ! » C’est ainsi qu’en plein dans la tendance, January Jones, l’actrice fétiche de la série culte Mad Men, justifiait sa placentophagie après la naissance de son fils, en 2011.

Manger son placenta, un effet de mode ?

Toutes les femelles mammifères, excepté les baleines et les dauphins, mangent leur placenta après avoir mis bas. L’ingestion de l’organe aurait, pour les animaux, un intérêt en termes de nutrition, mais aussi de survie de l’espèce : lécher son nouveau-né et faire disparaître le placenta évite d’attirer insectes et prédateurs.

Si la pratique semble marginale chez les humains, la placentophagie n’est pourtant pas totalement absente des mœurs, à certaines époques et dans certaines cultures. Ces dernières années, elle est d’ailleurs de plus en plus populaire dans les pays occidentaux. Au Royaume-Uni (où l’accouchement à domicile est très pratiqué), aux Etats-Unis, en France ou en Belgique, de plus en plus de mères inscrivent la conservation de leur placenta - à des fins de consommation ou autre - dans leur projet de naissance. Et sur les réseaux sociaux, elles sont nombreuses à poser des questions, se souciant du devenir de leur placenta après l’accouchement. Sur Facebook par exemple, des groupes spécialement dédiés à cet organe, et surtout à ses supposés bienfaits, vous aident à savoir quoi faire de votre placenta. Et aux USA, pays de tous les excès, on trouve même des livres de placenta cooking.

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En capsule, en granules, ou en smoothie ?

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Pour consommer au mieux son placenta, c’est-à-dire sans aversion tout en conservant ses propriétés, plusieurs techniques sont possibles. Déjà, le lieu d’accouchement peut influer sur les diverses façons de le consommer : il existe un flou juridique dans de nombreux pays autour de cet organe, censé être un déchet ou recyclé par la science lorsqu’il est recueilli après une naissance à l’hôpital. Résultat : dans la plupart des maternités, il est difficile voire impossible de récupérer son placenta. Certaines structures médicales autorisent (discrètement) la récupération de tout ou partie de l’organe par les parents. Enfin, l’accouchement à domicile facilite la conservation du placenta, souvent directement placé au réfrigérateur ou dans le congélateur familial.

Ensuite, c’est selon les goûts, et selon l’état du placenta. Celui-ci peut être déshydraté et encapsulé, ou dilué pour en faire des granules homéopathiques ou de la teinture-mère, ou encore, et c’est sans doute la technique la plus simple : le consommer cru, souvent en smoothie. N’imaginez pas un jus de viande cru, en réalité, seul un petit morceau du placenta (généralement de la taille d’une noix) est mixé avec des fruits. Et le placenta cuit ? Si rien n’empêche de se faire une poêlée de placenta aux petits oignons, dans les faits, peu de mères sont adeptes. D’autant plus que la cuisson réduirait les bienfaits supposés du placenta.

Les bienfaits supposés

Car selon ses adeptes, la placentophagie possèderait de nombreuses vertus en post-natal : diminution de la fatigue et des douleurs, prévention de la dépression, apport d’énergie (fer, protéines...), renforcement du lien mère - enfant ou encore soutien à la montée de lait. Le postulat à l’origine de cette pratique ? L’idée que ce qui est bon pour les autres mammifères doit l’être pour nous. Pourtant, s’il est vrai que la recherche scientifique ne s’est encore que trop peu intéressée au sujet, à ce jour, aucune étude n’a mis en lumière de réels bénéfices sur la santé physique et mentale de la jeune maman humaine et de son bébé. Les chercheurs ont en effet démontré qu’aucun nutriment ou aucune hormone placentaire n'étaient conservés en quantité suffisante après l'encapsulation du placenta pour être potentiellement utiles à la mère dans le post-partum.

« Il y a beaucoup de retours subjectifs de femmes qui ont ressenti des bénéfices, mais il n'y a pas eu de recherche systématique sur les avantages ou les risques de l'ingestion de placenta », a déclaré le Dr Crystal Clark, co-auteure d’une étude publiée en 2015 qui a cherché à analyser la littérature scientifique existante. « Les études sur les souris ne sont pas traduisibles en bénéfices pour l'homme », ajoute-t-elle, dans un article de l’université américaine Northwestern

Deux études plus récentes mesurant les taux de prolactine (hormone de la lactation) et le poids du bébé pour la première, et le taux de fer après l’ingestion de placenta encapsulé (donc déshydraté) pour la deuxième, n’ont pas relevé de différences significatives entre les « groupes placenta » et les groupes placebo, et ont donc conclu à l’absence d’effets de la placentophagie sur la mère comme sur l’enfant. Toutefois, ces études n’ont inclus qu’un nombre restreint de personnes (un peu moins d’une trentaine) et ont exclu une consommation du placenta autre qu’encapsulé (cru notamment). 

Mise en garde

« La popularité de cette pratique a connu un pic au cours des dernières années », explique encore le Dr Clark. « Notre sentiment est que les gens ne prennent pas cette décision en se basant sur la science ou en parlant avec des médecins. Certaines femmes prennent cette décision en se basant sur les reportages des médias, les blogs et les sites web. »

Si l’envie de goûter un bout de votre placenta vous tente, restez prudente donc. Le cas d’un nouveau-né infecté par une bactérie, Streptococcus agalactiae, présente dans les gélules que consommait sa mère en l’allaitant, a été rapporté en 2017. Attention si, par exemple, vous décidez d’encapsuler votre placenta vous-même, grâce à des kits « DIY placenta encapsulation » en vente sur Internet. « Il n'existe aucune réglementation sur la façon dont le placenta est stocké et préparé, et le dosage est incohérent », alerte Cynthia Coyle, co-auteure de l’étude avec le Dr Clark. Si manger votre placenta n'a, au mieux, d'autre effet que placebo, il serait regrettable qu’il soit, au pire, mauvais pour vous ou votre enfant.

auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: mai 2022
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