Hépatite B : que faut-il savoir sur ce virus meurtrier ?

dossier Plus petite unité qui compose les êtres vivants, la cellule fonctionne comme une mini-usine, très finement programmée pour accomplir des tâches bien précises. Chez les êtres humains et plus largement dans le règne animal, chacune d’entre elles présente la même constitution : elles possèdent une membrane, qui les délimite de leur environnement, un cytoplasme, grande soupe où baignent de nombreux éléments permettant sa survie et ses fonctions, et un noyau, qui contient l’ADN de la cellule, sous forme de chromosomes. Ces derniers portent toute l’information génétique de la cellule, dans des petites portions d’ADN nommées gènes.

La plupart du temps, les cellules du corps humain s’unissent pour former ce que l’on appelle un organe. Ici, c’est le foie qui attirera notre attention. Indispensable, vital, on l’appelle d’ailleurs « liver » en anglais, soit « vie » en français : c’est grâce à son action que nous éliminons l’alcool et certains médicaments, comme le paracétamol.

Il arrive pourtant que cette composante essentielle du corps humain dysfonctionne… Engendrant une cirrhose du foie, par exemple : c’est une inflammation chronique du foie qui entraîne des lésions dans l’ensemble de l’organe. Lesquelles sont ensuite régénérées de manière anarchique et induisent la formation d’un tissu cicatriciel : on parle alors de fibrose. Celle-ci est irréversible et conduit à la perte des fonctions hépatiques. Généralement associée à une trop grande consommation d’alcool, elle est parfois causée par des infections virales. Et notamment par l’hépatite B.

800.000 morts par an

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À l’échelle planétaire, plus de 250 millions de personnes dans le monde sont atteints par ce virus, qui tue à l’heure actuelle plus de 800.000 personnes chaque année. S’il provoque la cirrhose, comme expliqué précédemment, il conduit aussi parfois à des maladies encore plus graves et souvent mortelles, comme le cancer du foie, deuxième cause de mort liée au cancer dans le monde.

Le virus de l’hépatite B (VHB) est endémique dans certaines régions du monde, principalement en Asie du Sud-Est et en Afrique sub-saharienne. Dans ces régions, il est principalement transmis par la mère. Lorsque le VHB infecte de très jeunes enfants, le risque qu’ils soient atteints de la forme chronique de la maladie est de 90%. Ce qui augmente la probabilité qu’ils développent un cancer du foie au cours de leur vie.

Mais le VHB n’épargne pas non plus l’Europe : 1,6% de la population y est porteuse d’une hépatite B chronique, soit environ 10 millions d’individus, et ce malgré les importantes campagnes de vaccination initiées dans les années 90. Il s’y propage principalement chez l’adulte par échange de fluides corporels, notamment lors de rapports sexuels non protégés.

Minichromosome viral dans les cellules du foie

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Le virus de l’hépatite B infecte seulement les cellules du foie, que l’on appelle hépatocytes. Il est composé d’un unique chromosome, appelé minichromosome viral, similaire en tous points aux chromosomes humains que l’on retrouve dans le noyau des cellules. Le virus est donc bien caché à l’intérieur de nos cellules et les traitements actuels ne permettent pas d’éradiquer complètement la maladie. Ils contrôlent l’infection, en empêchant la formation de nouveaux virus mais n’éliminent pas le minichromosome viral. L’arrêt des médicaments entraîne donc le retour de la maladie. Les patients infectés doivent donc poursuivre le traitement tout au long de leur vie.

L’enjeu actuel est donc de mieux comprendre comment ce minichromosome viral est régulé dans le noyau des hépatocytes, afin de mettre au point de nouveaux traitements capables de le cibler directement. Pour cela, de nombreux laboratoires dans le monde (académiques et pharmaceutiques) travaillent à élucider les mystères de son fonctionnement.

Au Centre de recherche en cancérologie de Lyon, notre équipe cherche plus particulièrement à comprendre si des protéines peuvent avoir un rôle dans le bon fonctionnement du virus, et notamment si elles sont impliquées dans la biologie du minichromosome. Naturellement présentes dans les hépatocytes, elles remplissent différentes missions nécessaires au bon fonctionnement de ces dernières. Le minichromosome viral étant très similaire aux chromosomes humains, nous cherchons à savoir si les protéines qui les contrôlent pourraient jouer le même rôle dans sa régulation.

Des protéines qui détricotent les gènes

Nous avons donc identifié une liste de candidats potentiels, afin d’observer par des tests l’impact de leur suppression sur la vie du virus. Deux protéines ont particulièrement attiré notre attention, DDX5 et DDX17 : elles travaillent ensemble, en binôme, pour permettre aux chromosomes humains de bien exprimer les gènes qu’ils portent. Pour mener à bien leur mission, ces deux protéines défont des nœuds : dans les cellules, l’ADN n’est pas vraiment linéaire, il ressemble plutôt à une grosse pelote de laine où les fils s’entremêlent.

L’expression correcte des gènes requiert donc de défaire ces nœuds dans des moments précis de la vie de la cellule, pour que toute la machinerie d’expression ait accès aux gènes à exprimer. DDX5 et DDX17 sont donc là pour ouvrir la pelote de laine, afin que les bons éléments soient recrutés aux bons endroits.

En ce qui concerne le virus, nous avons pu démontrer que DDX5 et DDX17 étaient accrochées au minichromosome viral : nous avons donc souhaité déterminer si elles jouaient un rôle dans sa biologie, et si oui, lequel.

Empêcher le virus d’infecter d’autres cellules

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Le meilleur moyen d’évaluer l’utilité d’un élément est de l’enlever et d’observer les conséquences de son absence. Nous avons donc mis au point un protocole pour empêcher DDX5 et DDX17 d’être présentes dans les cellules, et d’en observer les conséquences sur les paramètres liés au virus. Nous regardons particulièrement les quantités de minichromosome viral dans les cellules, ou encore les biomarqueurs viraux, c’est-à-dire les éléments du virus qui circulent dans le sang des patients et servent de repères lors des diagnostics cliniques.

Après de nombreux essais et différentes expériences, nous avons constaté que leur absence mettait à mal l’expression du virus dans les hépatocytes. Il est encore trop tôt pour savoir si cela affecterait le développement de la maladie. Notre but, désormais, est de déterminer si cette même absence bloquerait l’infection d’autres cellules par le virus et donc permettrait d’atténuer la maladie. Auquel cas, il serait imaginable d’éviter qu’il se propage dans le sang, et donc infecte d’autres hépatocytes ou individus !

Cette dernière phase de caractérisation est nécessaire pour tirer une conclusion finale sur l’utilité de ce binôme protéique. Une meilleure compréhension du rôle des acteurs cellulaires dans la biologie du virus ouvrirait enfin de nouvelles portes vers le développement de thérapies plus efficaces. Cibler directement le minichromosome est la stratégie visée dans les prochaines années afin d’éradiquer complètement ce virus très meurtrier.The Conversation

Fleur Chapus, doctorante, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

► Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.



Dernière mise à jour: janvier 2020
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