Six règles pour régénérer son cerveau

dossier Vous venez d’atteindre la cinquantaine ou, peut-être même avez-vous dépassé cet âge ? Vous n’imaginez sans doute pas que, dans cette région de votre cerveau que l’on nomme l’hippocampe, une structure clé pour la formation de vos souvenirs et pour la bonne gestion de vos émotions, tous les neurones présents à l’époque de votre naissance ont été remplacés depuis par des neurones fraîchement produits à partir de cellules souches du cerveau.

Nous avons tous le potentiel de régénérer notre cerveau, à tout âge. Seulement il y a des conditions à respecter pour que cette fontaine de jouvence puisse jaillir, comme le montre la recherche sur les animaux. Prenez une souris dans un élevage standard et placez-la dans une cage dépourvue de congénères, aseptisée, avec une nourriture invariante, sans objets à découvrir au cours de ses explorations. En gros l’enfer et la prison, dans sa vie de souris. Vous constaterez qu’en deux à trois semaines, la production de nouveaux neurones dans son cerveau aura été réduite de 50 %. Cette malheureuse souris, vous allez en plus la stresser et vous verrez alors que cette production disparaîtra totalement.

Prenez la même souris et placez-la, cette fois, dans un univers enrichi, stimulant. Vous allez placer des objets nouveaux dans sa cage, des congénères avec lesquels elle pourra communiquer au quotidien. Vous allez lui proposer un peu d’exercice physique, en installant une petite roue sur laquelle elle pourra s’entraîner. En l’espace de quelques semaines, elle aura multiplié par trois le taux de production de nouveaux neurones.

Dans la première expérience, on voit que le cerveau se détruit sous l’effet de la routine. Dans la seconde, on s’aperçoit que le cerveau se nourrit du changement.

Une pouponnière à neurones dans notre cerveau

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Ceci est vrai car nous hébergeons dans notre cerveau une espèce de pouponnière dans laquelle sont abritées des cellules souches neuronales. Celles-là mêmes qui ont permis de construire notre cerveau à l’âge embryonnaire et que nous avons emmenées avec nous après la naissance. Grâce à ce dispositif, au moment même où vous me lisez, de nouveaux neurones jaillissent dans votre cerveau. Mais pour les produire, il y a six principes à satisfaire. Et ce n’est pas en restant assis sans rien faire que ça va se passer…

Premier principe : il faut s’ouvrir au changement et fuir la routine. Socrate nous dit : la sagesse commence avec l’émerveillement. On parle ici de l’émerveillement d’apprendre et de comprendre. Il s’agit de respecter la libido sciendi, le désir d’apprendre et de comprendre propre à l’être humain.

Passons au second principe. Le cerveau est malléable car il est « informable ». C’est en effet l’information qui invite nos circuits cérébraux à se régénérer, mais de quel type d’information parlons-nous ? Aujourd’hui nous sommes confrontés à un vrai problème. Nous vivons dans un écosystème numérique alors sans rien faire, nous sommes bombardés d’information. Il nous faut apprendre à lutter contre ce trop-plein. Nous sommes abonnés à des blogs, des lettres. Nos téléphones sonnent, vibrent. On s’aperçoit que ce type d’information, qui nous conduit juste à savoir, est délétère.

Le cerveau bombardé d’information, qui sait mais n’a pas compris, est condamné à l’anxiété. En tant que sujet je deviens un spectateur, au lieu d’être un acteur. Il est important, pour nous tous, de trier l’information utile, c’est-à-dire l’information qui nous fait comprendre, et de laisser de côté l’information futile, qui nous fait juste savoir. Celle-là, on n’en veut plus ! Dit autrement, mon deuxième principe nous invite à lutter contre l’infobésité.

Troisième principe : gardons-nous de la tentation facile des anxiolytiques et des somnifères. Parce que l’objectif de ces substances, c’est justement de ne pas laisser émerger ce cerveau qui cherche à comprendre. Vous ne voulez plus ruminer en allant travailler ? On va vous donner des substances avec lesquelles vous allez marcher en cerveau automatique, ce cerveau même qui est utile pour savoir mais pas pour comprendre. En prenant ces médicaments de façon chronique, vous ne pouvez plus satisfaire au premier principe qui est, je le rappelle : ouvrez-vous au changement et donnez du sens à ce changement.

Le quatrième principe consiste à lutter contre la sédentarité. Parce que la science nous dit qu’en cas d’activité physique, les muscles produisent des substances chimiques qu’on appelle les facteurs trophiques. Par voie sanguine, ceux-ci viennent agir sur le cerveau et en particulier sur la pouponnière, la fontaine de jouvence, et l’incitent à produire plus de neurones. Il existe une corrélation directe entre l’activité musculaire et la production de nouveaux neurones. Alors, choisissez la marche, plutôt que le métro ou la voiture.

S’exposer aux autres

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Cinquième principe : prenons acte que notre cerveau est une véritable chambre d’écho de l’autre, de notre prochain. Nous n’avons pas le contrôle sur certaines parties de notre cerveau, dont l’engagement dépend de l’exposition à autrui, à l’alter ego. C’est ce qu’on appelle, globalement, le cerveau social. Dit autrement, plus vous allez cultiver votre altérité, fuir l’isolement, plus votre cerveau sera enclin à produire de nouveaux neurones.

Il existe encore un sixième principe à respecter. Très récemment, les neurosciences associées avec la microbiologie nous ont appris qu’il existait une flore intestinale dont la communication avec le cerveau est permanente. En fonction de votre régime alimentaire, notamment si vous consommez des fibres et une alimentation variée, vous allez encourager la prolifération de certaines espèces bactériennes qui vont concourir à cette prolifération de neurones. À l’inverse, si votre nourriture devient peu variée, riche en sucre et en graisse, vous allez favoriser la prolifération d’espèces bactériennes qui sont de véritables verrous, bloquant la production de nouveaux neurones, et ce quelque soit votre âge.

La quête ancienne de l’immortalité

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Voici les six principes énoncés, il vous revient maintenant d’utiliser ce potentiel. Évidemment, quand on parle de cellules souches et d’une neurogenèse, c’est-à-dire une production de neurones au cours de la vie, cela probablement résonne en vous. Nous baignons dans les mythes qui ont accompagné la naissance de la civilisation, au moment de l’invention de l’écriture chez le peuple sumérien – la fameuse épopée de Gilgamesh, ce récit légendaire de la quête de l’immortalité, ou plus proche de nous, le fameux Faust de Goethe. Ce sont des paraboles sur la souffrance de l’humanité qui voit une possible rédemption au travers de l’éternité.

Loin de moi l’idée de venir nourrir ou prolonger ces mythes ! En fait, nous voilà face à une découverte scientifique qui porte en elle tous les ferments d’une véritable révolution scientifique, appelant au renouveau des méthodes d’éducation, d’une définition objective du fameux bien-être en matière de santé mentale, d’inventer de nouvelles stratégies thérapeutiques, tant sur un plan neurologique que psychiatrique, essentiellement les troubles de l’humeur, reposant sur la présence de ces cellules souches neuronales.

The ConversationChacun à notre échelle, nous avons le pouvoir de tirer parti de cette révolution scientifique, à titre personnel, mais aussi vis-à-vis d’autrui. La fameuse maxime de Goethe dit : traitez les gens comme ils devraient être et vous les aiderez à devenir ce qu’ils peuvent être. Ce pouvoir, vous le tenez entre vos mains. Profitez-en !

••• Auteur : Pierre-Marie Lledo, neurobiologiste, Institut Pasteur.

••• La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.



Dernière mise à jour: juillet 2017
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