Anesthésie : que faut-il savoir ?

dossier L’anesthésie n’a pas pour unique fonction d’insensibiliser le patient à la douleur. Sa définition est bien plus large. Locale, générale... : en quoi consistent les différents types d’anesthésie, comment cela se passe-t-il et quels sont les risques ?

Le mot « anesthésie » provient du grec, et signifie en fait « absence de faculté à percevoir les sensations », ce qui intègre la douleur, bien évidemment, mais pas seulement. Selon qu’elle soit générale ou régionale, l’anesthésie répond à des préoccupations cruciales pour qu’une intervention puisse se dérouler de manière optimale.

« Les termes plus appropriés pour définir le rôle de l’anesthésiste sont prévoir, protéger et stabiliser », indique-t-on auprès de la Société belge d’anesthésie et de réanimation (SBAR). Explications.

Avant, pendant, après

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Avant l’intervention

La rencontre préalable avec un anesthésiste (pas forcément celui qui sera présent lors de l’intervention) est très importante, puisqu’elle permet de cerner au plus près une série de risques, liés en particulier à une sensibilité allergique ou à la prise concomitante de médicaments (même considérés comme « banals » : tout doit être mentionné avec précision).

L’examen pré-anesthésique donne l’occasion au spécialiste de fournir des indications majeures : nécessité d’être à jeun, possibilité de poursuivre ou suspension indispensable d’un traitement médicamenteux…

Pendant l’intervention

L’installation sur la table d’opération. L’accès à l’organe à opérer conditionne la position du patient sur la table d’opération. L’installation relève d’une responsabilité conjointe de l’anesthésiste et du chirurgien. Le patient restera parfaitement immobile, parfois pendant de longues heures, parfois dans une posture peu naturelle. « La pression qui s’exerce de façon constante sur la peau, les muscles et les nerfs peut finir par léser ces tissus et provoquer, par exemple, des escarres », explique la SBAR. L’anesthésiste s'emploie à prévenir ou à minimiser les effets de l’immobilité, ainsi que les inconvénients de la position sur la circulation de sang et sur le fonctionnement des poumons.

La réaction de stress. C’est-à-dire, ici, la réaction du corps aux signaux envoyés par les tissus de la plaie. Le phénomène s’explique d’abord par le signal véhiculé par les nerfs vers le cerveau, pour l’avertir de la présence d’une lésion : c’est la douleur que l’on ressent. « La sensation de détresse induite par la douleur peut être accablante, tant sur le plan mental que physique : la douleur induit directement une réponse du cœur, des poumons et d’autres organes », poursuivent les spécialistes de la SBAR. « En soi, la douleur provoquée par une opération constitue une agression inutile pour la guérison du patient. Un des rôles de l’anesthésiste consiste à contrôler cette douleur. »

Mais pas seulement : la plaie chirurgicale émet beaucoup d’autres signaux par les nerfs et active des substances chimiques qui seront véhiculées par le sang dans tout le corps. Le fonctionnement de nombreux organes s’en trouve alors affecté : le pouls s’accélère, la tension artérielle s’élève… « Le résultat de tous ces dérangements est que l’on a mal, que l’on se sent mal et fatigué après une opération. L’anesthésiste aide le patient à surmonter l’agression chirurgicale dans les meilleures conditions. »

Les moments critiques. Le chirurgien peut être amené, selon la configuration de l’intervention, à interrompre la circulation sanguine, à écarter (beaucoup) d’autres organes pour accéder à celui qui doit être soigné, à stopper la respiration d’un poumon, à arrêter le cœur… Ces gestes ne sont évidemment pas sans influence sur le fonctionnement de l’organisme dans son ensemble. L’anesthésiste doit préserver les fonctions vitales : veiller à ce que les poumons reçoivent assez d’oxygène, à ce que le foie et les reins continuent à remplir leur tâche, à ce que le sang coagule… « C’est grâce à cela que les chirurgiens peuvent aujourd’hui effectuer de nombreuses opérations qui autrement seraient fatales. »

Après l’intervention

L’anesthésiste doit assurer une transition délicate, entre une situation où il contrôle tout vers une situation où l’organisme du patient doit fonctionner de manière autonome.

Il faut du temps pour que les substances anesthésiantes cessent d’agir, avant d’être totalement éliminées : pendant cette période, la conscience peut fluctuer et la respiration peut rester déprimée (sous l’action, aussi, des antidouleurs administrés après l’opération). Cette situation instable justifie une surveillance rapprochée, de plus ou moins longue durée, dans une « salle de réveil » ou dans une unité de soins intensifs.

Cette prudence explique également qu’après une anesthésie générale, un délai est nécessaire avant de pouvoir recommencer à boire, et ensuite à manger : le risque de fausse-route (passage de liquide ou d’aliments solides dans les voies respiratoires) est réel. Il est indispensable d’attendre le feu vert du personnel soignant. Les fumeurs s’abstiendront aussi longtemps que possible ; et profiteront pourquoi pas de l’occasion pour arrêter.

La récupération, dans les jours et les semaines qui suivent, est éminemment individuelle.

Les types d’anesthésie

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On les classera en deux grandes catégories : générale et régionale.

L’anesthésie générale


Triple objectif : l’absence de ressenti de la douleur, la perte de conscience et le relâchement musculaire (afin de rendre le patient totalement immobile).

L’anesthésie générale se déroule en trois étapes initiales.

L’induction. Autrement dit l’endormissement, déclenché en administrant des agents hypnotiques par voie intraveineuse ou par inhalation (le masque facial, surtout utilisé chez l’enfant). Un contrôle extrêmement étroit de la respiration est mis en œuvre (la ventilation spontanée étant diminuée, voire stoppée).
L’analgésie. Endormir ne signifie pas rendre insensible à la douleur : pour cela, il est nécessaire d’administrer des morphiniques.
Le relâchement musculaire. Fréquemment nécessaire, il est assuré par les curares.

Pour contrôler la respiration, compromise par ces substances, l’anesthésiste procède à une intubation : un tuyau est glissé dans la trachée, et permet d’insuffler un mélange gazeux enrichi en oxygène (et éventuellement en vapeurs anesthésiques).

D’autres paramètres essentiels doivent être contrôlés : le fonctionnement du cœur, des reins, du cerveau… La profondeur de l’anesthésie est adaptée en permanence à l’acte chirurgical et aux réactions du patient.

A la fin de l’intervention, l’anesthésiste stoppe l’administration des médicaments relaxants et hypnotiques. Le patient se réveille progressivement et lorsque sa fonction respiratoire redevient spontanée, le tuyau d’intubation est retiré.

Un mot sur la sédation, une anesthésie générale plus légère, utilisée surtout lors d’explorations médicales désagréables et/ou douloureuses.

L’anesthésie régionale


Alors que l’anesthésie générale arrête le stimulus douloureux à hauteur du cerveau, l’anesthésie régionale le bloque dans une partie spécifique du corps : la douleur n’arrive donc pas au cerveau.

Il est incorrect de parler d’anesthésie locale, puisque celle-ci consiste en l’injection d’un anesthésiant dans une zone très délimitée (pour extraire une dent, poser quelques points de suture…).

L’anesthésie rachidienne (ou rachianesthésie)

L’anesthésiste introduit une fine aiguille dans le dos, afin de déposer le produit anesthésiant dans le liquide céphalorachidien, dans lequel baigne la moelle épinière. L’aiguille pénètre la dure-mère, la membrane qui contient ce liquide (ce qui fait la différence avec l’anesthésie péridurale).

L’injection, peu douloureuse, provoque une insensibilité à la douleur et une paralysie des membres inférieurs, qui disparaîtra évidemment en même temps que l’anesthésie.

L’anesthésie péridurale (ou épidurale)

Même schéma que l’anesthésie rachidienne, à cette différence près que le produit est injecté autour de la dure-mère. L’anesthésie s’installe plus lentement que lors d’une rachianesthésie.

L’introduction d’un cathéter permet de moduler et de prolonger l’anesthésie jusqu’à plusieurs jours après l’intervention.

Le bloc nerveux

On parle aussi de bloc d’un nerf périphérique ou d’un plexus nerveux (un ensemble de nerfs).

Cette technique consiste à injecter l’agent anesthésique à proximité du nerf qui commande un membre ou une partie de membre. Pour déposer le médicament aussi près que possible de sa « cible », l’anesthésiste utilise un appareil qui délivre de petites secousses électriques par la pointe d’une aiguille. Lorsque celle-ci s’approche du nerf visé, le patient ressent des secousses involontaires des muscles du membre à endormir : c’est le signe que l’aiguille est au bon endroit pour l’injection du produit. Il est possible ici aussi de placer un cathéter.

Anesthésie générale ou régionale ?

Le choix n’est pas toujours possible. La nature de l’intervention peut imposer une anesthésie générale (immobilisation absolue indispensable, opération très invasive…).

Lorsqu’un choix est possible, la décision relève d’un dialogue entre le patient, le chirurgien et l’anesthésiste. Les médecins ont à tenir compte des préoccupations exprimées par le patient (« Je ne veux rien voir, rien entendre… ») ; alors que ce dernier doit comprendre que les professionnels sont mieux placés que lui pour évaluer les raisons médicales de ne pas donner suite à sa demande.

En tout état de cause, l’anesthésie générale présente l’avantage de permettre le contrôle immédiat des fonctions vitales (ce qui peut être déterminant chez un patient fragile) ; alors que l’anesthésie régionale assure un confort de récupération supérieur.

Quels risques ?

Comme pour tout acte médical, des effets secondaires et des complications peuvent survenir. Il est difficile d’établir la différence entre les risques induits par l’anesthésie, par l’acte chirurgical et par l’état de santé du patient.

En ce qui concerne les effets secondaires (relativement) fréquents, on mentionnera : nausées et vomissements, maux de gorge, vertiges et vision trouble, maux de tête, frissons, démangeaisons, douleurs musculaires et articulaires, hématome douloureux au site de l’injection, confusion… En règle générale, ces désagréments ne durent pas très longtemps et disparaissent spontanément.

Pour les complications peu fréquentes, rares et très rares, on citera :

Peu fréquentes : les infections pulmonaires (les fumeurs subissant une anesthésie générale sont particulièrement à risque), les problèmes urinaires, la dépression respiratoire (un phénomène passager), les dommages aux dents, aux lèvres et à la langue, l’exacerbation d’une maladie existante, le réveil pendant l’intervention.
Rares et très rares : des dommages aux yeux (soulagés par une pommade ophtalmique), des réactions allergiques aux médicaments (d’où l’extrême importance de la consultation pré-anesthésique), une perte de force ou un trouble de la sensibilité (la plupart des lésions nerveuses sont transitoires et guérissent spontanément), le décès (extrêmement rare suite à une anesthésie, et presque toujours la conséquence d’une conjonction de complications qui surviennent simultanément).

L’anesthésie sous hypnose (hypnosédation)

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Comme pour tout type d’anesthésie, le patient fait l’objet d’une étroite surveillance cardiaque et respiratoire. Un abord veineux est mis en place pour permettre l’administration de sédatifs (sédation intraveineuse consciente) et pour pouvoir intervenir plus « énergiquement » à tout moment si nécessaire (sédation plus profonde, voire anesthésie générale).

Après l’induction hypnotique (dont les conditions sont définies lors d’un entretien préalable), l’intervention se déroule dans une ambiance de grand calme, avec un contact étroit entre l’anesthésiste et le patient.

Cette technique, qui ne connaît que très peu de contre-indications, s’adresse potentiellement à tous : chacun est capable, à des degrés divers, de se mettre en état d’hypnose.

Les avantages sont importants : absence d’effets secondaires et de complications observés lors des anesthésies générale et régionale, récupération plus rapide après l’intervention, vécu d’une expérience agréable.

Quant aux actes chirurgicaux pour lesquels une hypnosédation est envisageable, ils vont de la chirurgie esthétique à la cataracte, en mentionnant aussi l’ablation de la thyroïde, l’extraction des dents de sagesse, la réduction d’une fracture du nez, ou encore l’opération des varices.



Dernière mise à jour: août 2015
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